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Un nouveau traitement pour les tumeurs endocrines digestives

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Une étude internationale présentée par le Pr Philippe Ruszniewski, chef du service de pancréato-gastroentérologie de l’hôpital Beaujon, AP-HP

En résumé

Lors du congrès européen de cancérologie, le Pr. Philippe Ruszniewski (hôpital Beaujon, AP-HP) présente les premiers résultats d’une grande étude internationale dont l’objectif était d’évaluer l’efficacité et la tolérance d’un nouveau concept de traitement, la radiothérapie vectorisée interne (octréotide marqué au technétium), dans les tumeurs neuroendocrines de l’intestin grêle. Les premiers résultats de cette étude mettent en évidence une efficacité marquée de la radiothérapie vectorisée interne avec une réduction de 71% du risque de progression de la maladie par rapport au groupe contrôle, ayant reçu de l’octréotide seul, traitement de référence jusque-là. Ces résultats très significatifs vont bouleverser les pratiques actuelles et l’octréotide marqué au technétium devrait prendre une place importante dans le traitement TNE métastatiques de l’intestin grêle. 

Les tumeurs neuroendocrines digestives, des tumeurs rares

Très particulières et différentes des tumeurs digestives habituelles (tumeurs exocrines), les tumeurs neuroendocrines digestives (TNED) sont des tumeurs qui peuvent produire différents types d’hormones à l’origine de symptômes variés.

Avec une incidence estimée à 5 nouveaux cas par an/ 100 000 personnes adultes et qui augmente régulièrement, les TNED sont des tumeurs rares, beaucoup moins fréquentes que les tumeurs digestives habituelles (tumeurs exocrines) ; en revanche, le pronostic de ces tumeurs étant bien meilleur que celui des tumeurs digestives exocrines avec des durées de survie beaucoup plus longues, leur prévalence dans la population générale, c’est à dire le nombre de patients porteurs de ces maladies, est élevée :  des données américaines indiquent que ces TNED se situeraient, en terme de prévalence, au 2ème rang derrière le cancer colorectal. Chez environ 90% des patients, il s’agit de tumeurs avec un faible indice de prolifération, avec un pronostic favorable car elles développent lentement. En revanche, dans 10% des cas, il s’agit de tumeurs agressives, de mauvais pronostic.

La prise en charge des TNED en France : le réseau expert, RENATEN

Ces TNED étant relativement rares, un réseau national de prise en charge spécifique des patients présentant ce type de tumeur composé de centres experts, RENATEN, a été développé sur l’ensemble du territoire français, afin de proposer le traitement le plus adapté à chaque patient et d’améliorer le pronostic de ces maladies. En pratique, tous les dossiers des patients suivis au sein de ce réseau sont revus et discutés lors de Réunions de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) au cours desquelles assistent différents médecins spécialistes (chirurgien, oncologue, biologiste, anatomopathologiste…). Il existe également un réseau du même type à l’échelle européenne, l’ENETS, auquel participent deux centres en France. 

La radiothérapie vectorisée interne, un concept de traitement original

Les cellules intestinales sont composées de cellules tumorales qui présentent à leur surface des récepteurs à la somatostatine (hormone). Des analogues de synthèse de la somatostatine, l’octréotide et le lanréotide, ont été développés dans le traitement des TNED et ils fonctionnent comme un système de clé et de serrure, le récepteur constituant la serrure et l'octréotide (administré au patient), la clé.

A côté de la chirurgie, des traitements locorégionaux et des thérapies ciblées, l’octréotide, analogue de la somatostatine, est un traitement souvent utilisé dans les formes avancées et peu agressives de TNED et il permet de stabiliser la maladie en bloquant le développement de la tumeur.

Cette molécule marquée au technétium est aussi utilisée en scintigraphie pour visualiser les récepteurs à la somatostatine (Ostreoscan) et ainsi améliorer les performances diagnostiques des examens d’imagerie.

L’octréotide peut aussi être couplé à des composés radioactifs (yttrium, lutétium) qui vont détruire les cellules sur lesquelles l'octréotide se fixe, et réaliser une radiothérapie (injection d’un composé radioactif), vectorisée (octréotide qui sert de vecteur), interne (administration par voie intraveineuse), appelée aussi radiothérapie métabolique, traitement évalué dans l’étude dont les résultats viennent d’être présentés au congrès européen de cancérologie.

L’octréotide marqué au lutétium : NETTER1, une étude de phase 3 menée à large échelle dans les TNE de l’intestin grêle

Bien que l’activité de l’octréotide marqué au lutétium dans le traitement des tumeurs neuroendocrines intestinales ait été déjà rapportée par différentes équipes, les données existantes jusque-là ne permettaient pas la délivrance d’une autorisation de mise sur le marché en France. C’est la raison pour laquelle une étude de phase 3, prospective, internationale et randomisée, NETTER1, a été mise en place afin d’évaluer et de comparer l’efficacité de l’octréotide marqué au lutétium à l’octréotide simple (non marqué), dans le traitement des TNE métastatiques de l’intestin grêle. Les patients inclus dans cette étude présentaient tous une TNE bien différenciée de l'intestin grêle, non opérable, avec présence de récepteurs à la somatostatine et en progression. Au total, 230 patients ont participé à cette étude avec un suivi prévu de 5 ans.

La radiothérapie vectorisée interne : des résultats très significatifs

L’analyse intermédiaire des données après un suivi de 18 mois révèle des résultats positifs sur le critère principal de l’étude, la survie sans progression,de la maladie, en faveur de la radiothérapie vectorisée interne ; alors que la médiane de survie sans progression médiane était de  8,4 mois au moment de l’analyse des données, elle n’était toujours pas atteinte dans le groupe traité par octréotide marqué au lutétium ; ce qui signifie qu’au moment de l’analyse, moins de la moitié des patients traités par octréotide marqué avaient présenté une progression de la maladie, ce qui se peut se traduire par une diminution de 79% du risque de progression par rapport au groupe contrôle (qui recevait malgré tout le traitement de référence utilisé actuellement).

Un profil de tolérance déjà bien cerné

Ce traitement étant déjà utilisé en routine dans d’autres pays, le profil de tolérance de ce traitement était connu ; deux effets secondaires particuliers, une insuffisance rénale et une toxicité vis à vis de la moelle osseuse (syndromes myélodysplasiques), peuvent survenir sur le long terme:

L’administration d’acides aminés avant l’injection d’octréotide marqué permet de réduire le risque d’’insuffisance rénale mais peut induire des nausées chez certains patients.

Au niveau de la moelle osseuse, le traitement peut favoriser dans 2 à 3% des cas, le développement d’un syndrome myélodysplasique et quelques cas de leucémies aigues ont été rapportées.

Des résultats qui vont avoir un impact important sur les pratiques

Ces résultats positifs et très significatifs constituent un progrès majeur pour le traitement des TNE de l’intestin grêle. Ils ont d’ailleurs conduit l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé) à accorder une ATU (Autorisation Temporaire d’Utilisation) pour que tous les patients répondants aux critères d'inclusion dans l'étude NETTER1, puissent bénéficier de ce traitement dès maintenant, et une demande d’autorisation sur le marché devrait être demandée prochainement.  

Assistance publique Hôpitaux de Paris