En résumé
Dans quel contexte avez-vous mené cette étude ?
Depuis plusieurs années, nous avons mis en place le programme PROCHE (Programme d’Optimisation du circuit des Chimiothérapies) qui consiste à suivre les toxicités et le suivi des patients à distance. En pratique, un call center appelle les patients avant chaque cure de chimiothérapie afin de connaître leur état de santé (état général, évolution du poids, fatigue, douleur, nausées) et dans le même temps, les bilans biologiques (prises de sang) faits en ville sont examinés à l’hôpital ; cette double évaluation permet de décider si le patient est apte à la prochaine chimiothérapie ou si au contraire, il est préférable de la différer. Ce programme a permis de constituer une base de données importante sur les toxicités survenant au fil du temps pour l’ensemble des patients suivis en hôpital de jour. Les résultats d’une première étude évaluant l’impact de la fatigue sur la survie des patients avaient été présentés en communication orale en 2012 au congrès de l’ESMO : ces résultats obtenus chez 661 patients mettaient en évidence l’existence d’une corrélation significative entre le niveau de fatigue et la survie.
Cette année, vous présentez de nouveaux résultats sur la douleur
Après la fatigue, nous nous sommes intéressés à la douleur, 2ème symptôme le plus souvent rapporté par les patients, et l’analyse a porté sur les données de 2023 patients éligibles, présentant un cancer avancé et traités par chimiothérapie. A notre grand étonnement, nous avons trouvé des résultats superposables à ceux que nous avions observés avec la fatigue, avec des durées de survie très corrélées à l’intensité de la douleur.
Trois types d’analyse ont été menés pour évaluer l’impact de la douleur sur la survie:
- l’analyse de la survie en fonction de la douleur évaluée avant le début de la chimiothérapie,
- l’analyse de la survie en fonction d’un score moyen de la douleur sur la durée du traitement,
- une troisième analyse, plus complexe, qui consiste à prendre en compte la « trajectoire » de la douleur.
Aucune association n’a été démontrée entre le niveau de douleur avant le début du traitement et la survie. En revanche, les résultats concernant les trajectoires de la douleur avant et sous chimiothérapie, mettent en évidence 4 groupes pronostiques avec un impact démontré en termes de survie :
- les patients qui ne sont douloureux, ni avant ni pendant le traitement,
- les patients qui, douloureux avant traitement, le restent sous traitement,
- les patients non douloureux avant le traitement qui le deviennent par la suite
- et les patients douloureux avant traitement dont la douleur s’améliore ensuite.
Si ces résultats sont confirmés dans la troisième analyse que nous menons actuellement, cette étude montrerait pour la première fois, tous types de tumeurs confondus, que l’aggravation de la douleur sous traitement est un facteur péjoratif pour la survie.
A retenir pour la pratique
Ces résultats doivent attirer l’attention des médecins impliqués dans la prise en charge des patients atteints de cancer sur la nécessité de bien évaluer ces deux symptômes cardinaux que sont la fatigue et la douleur.
Plusieurs études ont, par ailleurs, montré l’existence de discordances entre l’évaluation de la douleur ou de la fatigue par les médecins et la perception qu’en avaient les patients ; l’échelle qui a été utilisée à l’HEGP, est celle du NCI à 5 niveaux : aucun, léger, modéré, sévère, invalidant ; en pratique courante, cette échelle est intuitive, simple et rapide d’utilisation. Elle est et en cours d’évaluation/validation par des équipes internationales qui la comparent aux échelles plus spécifiques.
Enfin, ces données suggèrent l’intérêt d’une prise en charge multidisciplinaire de la douleur, utilisant tous les moyens à disposition, qu’il s’agisse des traitements médicamenteux mais également des médecines complémentaires comme nous le faisons à l’HEGP (hypnose, auriculothérapie sophrologie).