Dans une étude parue le 21 février 2017 dans la prestigieuse revue Immunity, des chercheurs de l’Institut Pasteur de Paris et de Shanghai, de l’hôpital Bicêtre AP-HP, de l’Université Paris-Sud et du CNRS rapportent la découverte d’un nouveau groupe de cellules immunitaires de type lymphocytes B, présents uniquement chez les nourrissons, et constituant la cible privilégiée du virus de la bronchiolite.
Leurs travaux expliquent ainsi pourquoi cette infection des voies respiratoires basses affecte majoritairement les nouveau-nés, d’autant plus sévèrement qu’ils sont jeunes. Cette publication ouvre ainsi des perspectives diagnostiques et thérapeutiques nouvelles dans la prise en charge de la bronchiolite aigüe du nourrisson.
Première cause de consultation et d’hospitalisation dans les services de pédiatrie et en réanimation pédiatrique durant la période hivernale, la bronchiolite est une infection due au virus respiratoire syncytial (VRS), affectant les voies respiratoires basses. Sa gravité est spécifique de l’âge du patient : alors que l’infection reste asymptomatique chez les adultes et les enfants de deux ans et plus, les nourrissons sont eux très sensibles au virus. Les nouveau-nés de moins de 3 mois sont notamment les plus enclins à développer des bronchiolites très sévères, qui nécessitent une assistance respiratoire médicalisée en unité de soins intensifs. Il n’existe aucun vaccin ni traitement contre cette infection, et chaque année, en France, près de 500 000 nourrissons de moins de 2 ans contractent une bronchiolite.
L’équipe de Richard Lo-Man, à l’Institut Pasteur (unité Histopathologie humaine), en collaboration avec l’équipe du Pr Pierre Tissières, à l’hôpital Bicêtre AP-HP (service de réanimation pédiatrique) et Université Paris-Sud, et l’Institut Pasteur de Shanghai, vient dans ce cadre d’identifier une population de lymphocytes B, jamais décrite auparavant, présente uniquement chez les très jeunes enfants (moins d’un an) et que le virus VRS infecte préférentiellement.
Les lymphocytes B sont des cellules du système immunitaire. Ils jouent en général un rôle protecteur contre les infections, en produisant des anticorps capables de neutraliser des pathogènes qui attaquent l’organisme. Mais les lymphocytes B découverts par les scientifiques ont eux, en revanche, des propriétés régulatrices, qui tendent à réduire l’inflammation et la réponse immunitaire contre le virus. En infectant chez les nourrissons ces lymphocytes B particuliers, baptisés nBreg - pour « lymphocytes B régulateurs néonataux – le VRS les active et limite ainsi son élimination, ce qui explique la sévérité accrue de la maladie.
Les chercheurs ont plus précisément décrit un mécanisme par lequel le VRS infecte les lymphocytes nBreg. Celui-ci fait appel à un double système de reconnaissance entre le virus et la cellule immunitaire. La première reconnaissance se fait par contact entre une protéine à la surface du virus (protéine F) et un anticorps qui lui est spécifique, à la surface de la cellule nBreg. Elle a pour conséquence d’activer le lymphocyte, qui peut alors exprimer une autre molécule, CX3CR1, reconnaissant, elle, la protéine virale G. C’est à l’issue de ces deux étapes que les membranes du virus et de la cellule fusionnent, permettant la libération du matériel génétique du virus dans le lymphocyte nBreg. En infectant cette cellule, le virus peut alors inhiber la réponse immunitaire antivirale, en exprimant les gènes de la réponse anti-inflammatoire. Grâce à ce mécanisme, le virus VRS utilise donc le système immunitaire du nourrisson pour se maintenir dans son hôte.
« Notre travail explique les raisons sous-jacentes, longtemps méconnues, de la susceptibilité des nourrissons à la bronchiolite », commente Richard Lo-Man. En identifiant ces nouveaux lymphocytes nBreg comme biomarqueurs pronostiques de la sévérité de la maladie, il devrait permettre à terme de détecter à la naissance les terrains à risque, et d’aider le corps médical à développer des traitements plus adaptés ».
Respiratory syncytial virus infects regulatory B cells in human neonates via chemokine receptor CX3CR1 and promotes lung disease severity, Immunity, 21 février 2017.
Dania Zhivaki1,2, Sébastien Lemoine3,4, Annick Lim5, Ahsen Morva1, Pierre-Olivier Vidalain6, Liliane Schandene7, Nicoletta Casartelli8,9, Marie-Anne Rameix-Welti10,11, Pierre-Louis Hervé12, Edith Dériaud3,4, Benoit Beitz13, Maryline Ripaux-Lefevre13, Jordi Miatello14,15,16, Brigitte Lemercier5, Valerie Lorin17,18, Delphyne Descamps12, Jenna Fix12, Jean-François Eléouët12, Sabine Riffault12, Olivier Schwartz8,9, Fabrice Porcheray13, Françoise Mascart7,19, Hugo Mouquet17,18, Xiaoming Zhang20, Pierre Tissières14,15,16 and Richard Lo-Man1, 22