Paris, le 12 mars 2014 - Une étude nationale coordonnée par le Dr Ivan Berlin de l’hôpital Pitié-Salpêtrière (AP-HP) montre l’inefficacité des patchs utilisés en substituts nicotiniques pour aider les femmes enceintes à arrêter de fumer lors de leur grossesse. Ces travaux font l’objet d’une publication ce jour dans le British Medical Journal.
Le tabagisme pendant la grossesse est un risque pour la santé de la mère et pour l’enfant à naitre. Il peut également représenter un risque pour la santé de l’enfant au-delà de la naissance. L’arrêt du tabac pendant la grossesse a des bénéfices majeurs pour la santé de la mère et du nouveau-né tels que l’augmentation du poids de naissance et la réduction du risque d’accouchement prématuré et des complications périnatales. En France en 2010, environ 30% des femmes enceintes disaient avoir fumé avant la grossesse, en moyenne 10 cigarettes par jour. Environ 17% fumaient au 3ème trimestre de grossesse, ce qui correspond à 137000 fœtus exposés au tabagisme maternel. Depuis 1997, la prescription de substituts nicotiniques est autorisée en France pour les femmes enceintes qui ne parviennent pas à arrêter de fumer.
Une étude nationale pour mesurer l’efficacité des substituts nicotiniques chez les femmes enceintes.
L’étude SNIPP (Study of Nicotine Patch in Pregnancy) a pour objectif d’étudier l’efficacité des patchs utilisés en substituts nicotiniques délivrant la nicotine pendant 16 h pendant la grossesse, au travers de 2 critères : le poids du bébé à la naissance et l’abstinence complète de la mère - confirmée par le monoxyde de carbone dans l’air expiré. Promue par l’AP-HP et financée par la Direction générale de la santé, cette étude en double aveugle, randomisée versus placebo a été réalisée sur l’ensemble du territoire français entre 2007 et 2012. 402 femmes enceintes fumeuses de plus de 18 ans, entre 12 et 20 semaines de grossesse et fumant au moins 5 cigarettes par jour y ont participé. Les participantes, réparties en deux groupes (patch nicotinique ou patch placebo)ont bénéficié, pendant leur grossesse d’un suivi personnalisé, mensuel, de sevrage tabagique par des professionnels de santé. La substitution nicotinique était adaptée individuellement à leurs besoins.
Comparativement au placebo, les substituts nicotiniques n’augmentent ni l’abstinence des femmes enceintes, ni le poids de naissance des bébés.
Dans les 2 groupes, le délai moyen de reprise de la cigarette était de 15 jours. Seules 11 femmes ont complètement arrêté de fumer dans le groupe avec patchs nicotiniques (soit 5,5%), et 10 femmes dans le groupe placebo (soit 5,3%). Par ailleurs, les résultats montrent un poids moyen à la naissance de 3065 g dans le groupe avec patchs nicotiniques et de 3015 g dans le groupe placebo. Les nouveau-nés des 21 femmes qui étaient totalement abstinentes avaient un poids de naissance significativement plus élevé (3364 g) que les nouveau-nés de femmes qui n'étaient pas abstinentes de façon continue (3021 g). Compte tenu de l’observation d’une pression artérielle significativement plus élevée dans le groupe ayant bénéficié de patchs de nicotine que dans le groupe placebo, les auteurs suggèrent que le contrôle de la pression artérielle chez les fumeuses enceintes soit intégrée dans les études futures comme critère d’évaluation. Pour le Dr Berlin, coordonnateur de l’étude, « ces résultats doivent nous encourager à évaluer de nouvelles approches pour aider les femmes enceintes à arrêter de fumer. Etant donné que les participantes étaient des femmes fortement dépendantes aux cigarettes et qui n’arrivaient pas à arrêter sans traitement médicamenteux, les résultats sont difficilement extrapolables à des femmes enceintes peu dépendantes. Toutefois, en l'absence de preuve de l’efficacité des substituts nicotiniques dans cette population très spécifique, le soutien comportemental doit être l'intervention à privilégier pour aider les femmes enceintes à arrêter de fumer ».