Depuis 2009, le dépistage de la trisomie fœtale s’appuie sur une stratégie combinée reposant sur le dosage des marqueurs sériques maternels associés à la mesure de la clarté nucale du fœtus lors du premier trimestre de grossesse. A l’issue de ce dépistage un calcul de risque est déterminé en prenant en compte l’âge maternel et une biopsie de villosités choriales ou une amniocentèse sont proposées pour réaliser un caryotype fœtal lorsque ce risque est accru. Si cette stratégie combinée a permis une réduction importante du nombre de gestes invasifs ces dernières années, près 20 000 femmes enceintes restent néanmoins concernées chaque année par ces gestes invasifs.
De nombreuses études portant sur l’analyse de l’ADN fœtal circulant dans le sang maternel (ou Dépistage Prénatal Non Invasif = DPNI) ont mis en évidence des performances impressionnantes en termes de sensibilité et de spécificité (>99%) dans le dépistage d’une trisomie 13, 18 ou 21. Ces nouveaux tests non invasifs sont ainsi recommandés par la plupart des sociétés savantes internationales chez les patientes présentant un risque accru de trisomie fœtale, et très récemment en France par la Haute Autorité de Santé.
L’objectif de l’étude DEPOSA coordonnée par le Pr Alexandra Benachi, chef du service de gynécologie-obstétrique de l’hôpital Antoine-Béclère AP-HP, et menée en collaboration avec le laboratoire CERBA (Dr Jean-Marc Costa), était d’évaluer la performance du dépistage DPNI en première intention chez toutes les femmes enceintes et notamment après assistance médicale à la procréation (AMP). Un prélèvement sanguin a ainsi été réalisé pour l’analyse de l’ADN fœtal en parallèle du dépistage combiné des marqueurs sériques et de la mesure de la clarté nucale chez les 794 patientes incluses dans l’étude (322 dans le cadre d’un parcours d’assistance médicale à la procréation et 472 après grossesse spontanée).
Les résultats ont montré que le taux de faux positifs et la valeur prédictive positive étaient respectivement de 6,6% et de 8,8% pour le dépistage combiné mais de 0% et 100% pour l’analyse de l’ADN fœtal dans le sang maternel. La différence de performance est encore plus évidente pour le groupe de patientes enceintes au terme d’un parcours d’AMP avec un taux de faux positifs et une valeur prédictive positive de 11.7% et de seulement 2.6% respectivement.
Concernant le taux global de recours à un geste invasif, il s’élevait à 1.9% (15/794) avec le dépistage par le test ADN fœtal circulant contre 8,4% (65/794) avec le dépistage combiné par dosage des marqueurs sériques. Ces résultats montrent donc que l’analyse de l’ADN fœtal dans le sang maternel est plus performante que le dépistage combiné du premier trimestre, que ce soit pour les grossesses spontanées ou pour les grossesses obtenues après AMP et suggèrent le recours à l’analyse de l’ADN fœtal dans le sang maternel comme test primaire, en particulier dans le cas de grossesses obtenues après AMP.
Les résultats de l’étude DEPOSA ont été publiés le 1er mars 2018 dans la revue Genetics in Medicine de l’American College of Medical Genetics and Genomics (ACMG) ; ils sont le fruit d’une étude collaborative dans le cadre d’un partenariat scientifique public-privé entre l’AP-HP et le laboratoire CERBA. Ils ne remettent pas en question les dernières recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) mais viennent compléter la réflexion autour des grossesses obtenues après AMP et permettent d’ores et déjà de réfléchir à la généralisation du test ADN libre circulant.
Depuis le lancement de cette étude, l’offre de l’AP-HP a évolué pour proposer cette technique de dépistage aux patientes dans le cadre des recommandations de l’HAS. Le 2 mai 2017, une plateforme unique de DPNI située au sein de l’hôpital Cochin (Groupe Hospitalier Paris Centre) a déployé cette analyse pour des femmes ayant un risque supérieur à 1/1000 ainsi que pour les grossesses multiples.
Source :
Jean-Marc Costa PharmD, Alexandra Letourneau MD, Romain Favre MD, PhD, Laurent Bidat MD, Joelle Belaisch-Allart MD, Jean-Marie Jouannic MD, PhD, Edwin Quarello MD, PhD, Marie-Victoire Senat MD, PhD, Bernard Broussin MD, Vassilis Tsatsaris PhD, Adèle Demain PhD, Pascale Kleinfinger MD, Laurence Lohmann MD, Hélène Agostini MD, Jean Bouyer MD, PhD & Alexandra Benachi MD, PhD
Genetics in medicine; doi:10.1038/gim.2018.4