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Des avancées pour diagnostiquer et prédire le risque de complications cardiomusculaires sous immunothérapie

Publié le Communiqués de presse

L’équipe du centre d'investigation clinique et de cardio-oncologie de l’hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP, de l’Inserm et de Sorbonne Université, coordonnée par le Pr Joe-Elie Salem continue ses recherches sur les myocardites survenues à la suite d’un traitement par inhibiteurs de point de contrôle immunitaire. Les résultats de leurs travaux récents ont fait l’objet d’une publication le 15 juin 2023 dans Circulation et d’une autre le 26 octobre 2023 dans Nature Medicine.

Les inhibiteurs de points de contrôle immunitaire constituent une classe d'agents immuno-thérapeutiques qui influent sur l’état d’activation de certaines cellules immunitaires, les rendant plus efficaces pour tuer les cellules cancéreuses. Dans de rares cas, cela entraîne une hyperactivité du système immunitaire qui va attaquer les cellules musculaires, dont le cœur et les muscles respiratoires. Ces atteintes sont potentiellement fatales, d'où l'importance d'un diagnostic précoce et d'une prise en charge adaptée en centre expert.

Ce type de dommage musculaire est connu sous le nom de cardio-myotoxicité, ou de myocardite lorsqu'il implique le muscle cardiaque, ou de myosites lors qu'il implique les autres muscles. Les patients sous traitement par inhibiteur de point de contrôle immunitaire (ICI) sont à risque de développer des myocardites, et cela survient chez moins de 1% des patients traités par inhibiteurs de point de contrôle immunitaire.

Certains biomarqueurs cardiomusculaires sont efficaces pour le diagnostic et le pronostic des myocardites suite à un traitement par inhibiteurs de point de contrôle immunitaire

L’équipe de recherche a étudié la présence de biomarqueurs cardiomusculaires dans le diagnostic et le pronostic des myocardites survenues à la suite à un traitement par ICI. Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’une publication le 15 juin 2023 dans Circulation. L’équipe a étudié l’augmentation des biomarqueurs cardio-musculaires, en particulier la troponine-T (cTnT), la troponine-I (cTnI), et la créatine kinase (CK) chez 60 patients souffrant de myocardites ICI, et cela durant 1 an dans deux unités de cardio-oncologie (hôpitaux Pitié-Salpêtrière AP-HP et universitaire d’Heidelberg en Allemagne). Au total, 1 751 échantillons cTnT, 920 échantillons cTnI et 1 191 échantillons de créatine kinase (CK) ont été prélevés de manière sériée dans le temps durant cette année de suivi.

L’objectif de l’étude était de prédire la survenue d’événements cardiomyotoxiques indésirables majeurs (MACE) comme une insuffisance cardiaque, une arythmie ventriculaire, un bloc majeur de la conduction auriculo-ventriculaire ou d'une insuffisance des muscles de la respiratoire requérant un support ventilatoire. 24 patients sur 60 (40 %) ont développé un MACE. Dans les 72 heures suivant l'admission, les taux de cTnT étaient constamment augmentés par rapport aux limites supérieures de référence (URL), en revanche cela était plus inconsistant pour la cTnI et les CK. La cTnT était augmenté chez tous les patients au moment du premier MACE, et seulement chez environ les 3/4 pour la cTnI. Au total, la cTnT était plus sensible que la cTnI et les CK pour le diagnostic et la surveillance des patients atteints de myocardite suite à un traitement par inhibiteurs de point de contrôle immunitaire. Un seuil de cTnT > 32 fois la norme supérieure identifie un sous-groupe à très haut risque de MACE.

Reference : Lorenz H. Lehmann; Markus B. Heckmann; Guillaume Bailly; Daniel Finke; Adrien Procureur; John R. Power; Frederic Stein; Marie Bretagne; Stephane Ederhy; Charlotte Fenioux; Omar Hamwy; Elisa Funck-Brentano; Emanuela Romano; Laurence Pieroni; Jan Münster; Yves Allenbach; Céline Anquetil; Sarah Leonard-Louis; Nicolas L. Palaskas; Salim S. Hayek; Hugo A. Katus; Evangelos Giannitsis; Norbert Frey; Ziya Kaya; Javid Moslehi; Edi Prifti; Joe-Elie Salem, on behalf of the International ICI-Myocarditis Registry Contributors Circulation.

Les altérations thymiques sont associées à une incidence et à une gravité accrue des myocardites suite à un traitement par ICI.

L’équipe de recherche a complété ses investigations à la recherche de facteurs de risque de développer des myotoxicités sous inhibiteurs de point de contrôle immunitaire en s'intéressant au role du thymus dans l'émergence de cette complication. Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’une publication le 26 octobre 2023 dans Nature Medicine. Le thymus joue un rôle essentiel dans la maturation des lymphocytes, et l'altération de la sélection des lymphocytes T auto-réatifs à l’origine des myotoxicités (dont les myocardites) sous immunothérapie.

La littérature et notamment une précédente étude1 de la même équipe a montré la gravité de plusieurs cas de myotoxicité suite à un traitement par ICI survenus chez de jeunes patients atteints de thymome (tumeur cancéreuse du thymus) présentant la triade mortelle myotoxique combinant une myocardite fulminante, une myosite périphérique et un syndrome myasthéniformes requérant un support ventilatoire, débutant quelques jours après une dose unique d’ICI. L’équipe a utilisé la base de données internationale de pharmacovigilance VigiBase, l'entrepôt de données de santé de l’AP-HP et une méta-analyse d'essais cliniques, pour démontrer que le traitement par ICI chez les patients atteints de tumeurs épithéliales thymiques (TET, particulièrement les thymomes) était plus fréquemment associé à des myotoxicités que les autres types de cancers traités par inhibiteurs de point de contrôle immunitaire. Par ailleurs, dans un registre international de myocardites ICI, l’équipe de recherche a établi que la myocardite est survenue plus tôt après le début du traitement chez les patients atteints de TET que chez des patients atteints d'autres cancers et qu'elle était plus grave en termes d'arythmies potentiellement mortelles et de myosite concomitante conduisant à une insuffisance musculaire respiratoire et à la mort. Ces résultats soulignent que les altérations thymiques (notamment identifiables par scanner thoracique et production d'auto-anticorps contre l'acetylcholine) sont associées à l'incidence et à la gravité des myotoxicités ICI. Un bilan clinico-radio-biologique évaluant le thymus pourrait aider à prédire les myotoxicités ICI.

References : Charlotte Fenioux; Baptiste Abbar; Samia Boussouar; Marie Bretagne; John R. Power; Javid J. Moslehi; Paul Gougis; Damien Amelin; Agnès Dechartres; Lorenz H Lehmann; Pierre-Yves Courand; Jennifer Cautela; Joachim Alexandre; Adrien Procureur; Antoine Rozes; Sarah Leonard-Louis; Juan Qin; International ICI-Myocarditis Registry, Rémi Cheynier; Benedicte Charmeteau-De Muylder; Alban Redheuil; Florence Tubach; Jacques Cadranel; Audrey Milon; Stéphane Ederhy; Thomas Similoswki; Douglas B. Johnson; Ian Pizzo; Toniemarie Catalan; Olivier Benveniste; Salim S. Hayek; Yves Allenbach; Michelle Rosenzwajg; Charles Dolladille; Joe-Elie Salem. Nature.

[1] Nguyen, L. S. et al. Reversal of immune-checkpoint inhibitor fulminant myocarditis using personalized-dose-adjusted abatacept and ruxolitinib: proof of concept. J Immunother Cancer 10, doi:10.1136/jitc-2022-004699 (2022).

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