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Drépanocytose et beta thalassémie-transfusion dépendante : résultats prometteurs d’un traitement par thérapie génique

Publié le Communiqués de presse

Des équipes de l’AP-HP, d’Université de Paris, de l’Inserm, au sein de l’Institut Imagine, de l’Université Paris-Est Créteil et du CEA ont mené une étude clinique de thérapie génique consistant à transplanter chez le patient ses propres cellules souches hématopoïétiques1 génétiquement modifiées. Cet essai clinique de phase I/II, promu par bluebird bio, a été réalisé chez des patients atteints de drépanocytose ou de beta thalassémie dépendante des transfusions, des maladies génétiques fréquentes qui touchent les globules rouges.

Les résultats de ces travaux, coordonnés par le Pr Marina Cavazzana et le Pr Philippe Leboulch, ont fait l’objet d’une publication le 24 janvier 2022 dans Nature Medicine.

Dans le cadre de l’essai clinique HGB-205 de phase I/II, quatre patients b-thalassémiques et trois patients drépanocytaires âgés de 13 à 21 ans ont été traités par thérapie génique lentivirale. Ils ont été suivis pendant une durée médiane de 4,5 ans après inclusion dans les protocoles spécifiques dédiés LTF-303 (pour les patients b-thalassémiques) et LFT-307 (pour les patients drépanocytaires).

Selon les résultats, les patients atteints de b-thalassémie sont tous devenus « transfusion indépendants », dès le premier mois après le traitement, avec une nette amélioration de la surcharge en fer et une correction des paramètres biologiques liés à l’anémie chronique.

Une rémission de toute la symptomatologie clinique2 et une correction des paramètres biologiques soutenues dans le temps ont été obtenues chez deux des trois patients drépanocytaires traités. Une réduction du rythme transfusionnel a été obtenue pour le troisième patient drépanocytaire.

L’ensemble de ces résultats est maintenu dans le temps avec plus de 4 ans et demi de suivi pour trois patients. Aucun effet adverse lié à l’utilisation du vecteur lentiviral thérapeutique n’a été observé.

Pour les patients atteints de b-thalassémie, les résultats rapportés à long terme montrent que la thérapie génique par addition des gènes est devenue une option curative potentiellement utilisable chez l’ensemble des patients qui ne disposent pas d’un donneur de cellules souches hématopoïétiques compatible.

Dans le cas de la drépanocytose, la correction des paramètres biologiques liés à l’anémie chronique de deux patients sur trois apporte la preuve du principe de son efficacité et ouvre la voie à l’introduction d’améliorations ultérieures dans le but d’obtenir le même résultat chez l’ensemble des patients drépanocytaires traités.

Drépanocytose et beta thalassémie dépendante des transfusions

La drépanocytose et la b-thalassémie dépendante des transfusions sont des maladies génétiques fréquentes. Elles constituent donc un problème important de santé publique. Ces deux anémies chroniques sont dues à des mutations du gène codant la chaîne beta (b) de l’hémoglobine adulte (HbA).

La b-thalassémie dépendante des transfusions se caractérise par une absence (b0) ou une forte réduction (b+) de la synthèse de chaînes b-globine, responsable d’une fabrication inefficace des globules rouges et d’une anémie hémolytique chronique et sévère, requérant des transfusions de globules rouges tout au long de la vie. L’accumulation de fer qui s’en suit peut provoquer la survenue d’une insuffisance cardiaque, de cirrhose, d’un cancer du foie et de multiples anomalies endocriniennes.

La drépanocytose résulte de la mutation d’un acide aminé en position 6 de la chaîne b-globine (mutation E6V), avec comme conséquence la polymérisation de l’hémoglobine drépanocytaire HbS (hemoglobine « sickle » en anglais) une fois les molécules d’oxygène (O2) délivrées. La polymérisation de l’HbS est à l’origine de crises vaso-occlusives douloureuses caractérisées par une obstruction locale de la circulation sanguine qui peuvent toucher tous les organes et d’une anémie hémolytique chronique3. La répétition des crises vaso-occlusives et l’atteinte vasculaire portent atteinte à plusieurs organes vitaux comme les poumons, les reins, le système nerveux central et le cœur, avec une diminution importante de la durée de vie moyenne des sujets atteints.

Comme pour la quasi-totalité des maladies génétiques du système hématopoïétique, la seule option curative consiste à greffer des cellules souches hématopoïétiques. Cette approche donne de très bons résultats cliniques et une faible mortalité lorsqu’un donneur de la fratrie HLA-compatible est disponible. Malheureusement, un pourcentage limité des patients peut bénéficier de ce traitement (<20%). Le recours à des donneurs partiellement compatibles limite grandement les chances de succès et comporte une morbidité à long terme significative, en particulier chez les patients les plus âgés.

Thérapie génique

La thérapie génique, grâce à la transplantation des cellules souches provenant du patient même, génétiquement modifiées, est une alternative prometteuse. Elle comporte de faibles risques de toxicité immunologique étant donné qu’aucun traitement immunosuppresseur n’est requis. Elle peut être mise en place pour chaque patient qui en a besoin, le patient étant son propre donneur.

La thérapie génique par addition des gènes est la première stratégie à avoir vu le jour dans cette indication en exploitant la capacité des vecteurs lentiviraux4 à transférer une information génétique complexe dans le génome de cellules souches hématopoïétiques sans que les cellules n’aient besoin d’effectuer une division cellulaire.

Le vecteur lentiviral utilisé dans cet essai clinique de phase I/II a été mis au point par l’équipe dirigée par le Pr Philippe Leboulch. Ce vecteur permet la synthèse d’une forme modifiée de la chaîne b-globine (bT87Q), modification génétique qui a un double intérêt: elle lui confère une propriété anti-polymérisante comparable à celle de la chaîne gamma (g) de l’hémoglobine fœtale (HbF) chez les patients drépanocytaires et permet son dosage spécifique dans le sang des patients traités. En effet la chaîne bT87Q-globine peut être distinguée des autres chaînes de globines par chromatographie liquide sous haute pression, en particulier de la chaîne b-globine issue de l’hémoglobines adulte (HbA), produite de manière endogène chez les patients b-thalassémiques porteurs de mutations b+ et présente dans les globules rouges transfusés.

1Les cellules souches hématopoïétiques sont nichées dans la moelle osseuse et sont à l'origine des différentes cellules du sang : les globules rouges, les globules blancs et les plaquettes.

2L’ensemble de signes cliniques pathologiques qui caractérisent une maladie.

3Il s’agit d’une pathologie souvent héréditaire qui atteint les globules rouges avec, in fine, une réduction pathologique de leur nombre incompatible avec la vie et nécessitant des transfusions sanguines régulières dont la fréquence est dictée par le niveau d’Hémoglobine et les symptômes cliniques.

4Il s’agit des navettes d’informations génétiques dans le noyau des cellules dérivées du virus HIV-1 auquel on a enlevé les éléments génétiques qui lui permettent de se répliquer et de donner la maladie infectieuse dont il est responsable. Les éléments qui leur permettent de franchir la membrane nucléaire et de s’intégrer d’une façon stable dans le génome des cellules cibles ont en revanche été conservés.

Référence:

Long-Term Outcomes of Lentiviral Gene Therapy for the β-Hemoglobinopathies: the HGB-205 Trial – Nature Medicine

Elisa Magrin, Michaela Semeraro, Nicolas Hebert, Laure Joseph, Alessandra Magnani, Anne Chalumeau, Aurélie Gabrion, Cécile Roudaut, Jouda Marouene, Francois Lefrere, Jean-Sebastien Diana, Adeline Denis, Bénédicte Neven, Isabelle Funck-Brentano, Olivier Negre,Sylvain Renolleau, Valentine Brousse, Laurent Kiger, Fabien Touzot, Catherine Poirot, Philippe Bourget, Wassim El Nemer, Stéphane Blanche, Jean-Marc Tréluyer, Mohammed Asmal, Courtney Walls, Yves Beuzard, Manfred Schmidt, Salima Hacein-Bey-Abina, Vahid Asnafi, Isabelle Guichard, Maryline Poirée, Fabrice Monpoux, Philippe Touraine, Chantal Brouzes, Mariane de Montalembert, Emmanuel Payen, Emmanuelle Six, Jean-Antoine Ribeil, Annarita Miccio, Pablo Bartolucci, Philippe Leboulch & Marina Cavazzana

doi: https://doi.org/10.1038/s41591-021-01650-w

A propos de l’Université Paris-Est Créteil (UPEC)

Avec 7 facultés, 4 instituts, 3 écoles, 1 observatoire et 33 laboratoires de recherche, l’Université Paris-Est Créteil est présente dans tous les domaines de la connaissance depuis 1970, et forme chaque année plus de 40 000 étudiants et actifs de tous les âges.

Acteur majeur de la diffusion de la culture académique, scientifique et technologique, l’établissement dispense plus de 350 parcours de formations dans toutes les disciplines, du DUT au doctorat. L'UPEC offre ainsi un accompagnement personnalisé de toutes les réussites, grâce à des parcours de formation initiale, des validations d’acquis et la formation continue, ou encore par le biais de l’apprentissage et des actions en faveur de l’entrepreneuriat.

Université de Paris : Université de recherche intensive pluridisciplinaire, labellisée « Initiative d’Excellence », Université de Paris se hisse au meilleur niveau international grâce à sa recherche, à la diversité de ses parcours de formation, à son soutien à l’innovation, et à sa participation active à la construction de l’espace européen de la recherche et de la formation. Université de Paris est composée de trois Facultés (Santé, Sciences et Sociétés et Humanités), d’un établissement-composante, l’Institut de physique du globe de Paris et un organisme de recherche partenaire, l’Institut Pasteur. Université de Paris compte 63 000 étudiants, 7 500 enseignants-chercheurs et chercheurs, 21 écoles doctorales et 119 unités de recherche. www.u-paris.fr

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