Une équipe de gastro-entérologie de l'hôpital européen Georges Pompidou AP-HP et de l’Université de Paris a mené, en collaboration avec les équipes de gastro-entérologie universitaires d'Amsterdam (Pays Bas), de Tampere (Finlande), de Madrid (Espagne), de Columbia University (USA) et de San Diego (USA), une étude prospective randomisée chez des patients atteints d’une maladie cœliaque réfractaire de type 2, une complication rare qui se manifeste par la survenue de lymphomes dont la mortalité est très élevée. L’objectif était de comparer l’efficacité d’une biothérapie, qui consistait en une injection d’un anticorps monoclonal anti IL15, à celle d’un placebo. Ces travaux ont été publiés le 04 septembre 2019 dans la revue The Lancet Gastro-enterology and Hepatology.
La maladie cœliaque, ou intolérance au gluten, est une maladie fréquente qui touche1% de la population et qui est souvent diagnostiquée tardivement en particulier chez l'adulte. Le traitement repose sur l'éviction du gluten de l'alimentation (blé, seigle, orge). La complication la plus grave de cette maladie est la survenue d'un lymphome T invasif dont la mortalité est très élevée. La survenue de lymphomes est souvent précédée par une phase de résistance au régime sans gluten avec apparition d'une population clonale issue d'une population de lymphocytes intra-épithéliaux de phénotype anormal. Cette situation est rare mais est associée à une mortalité très importante et à ce stade aucun traitement efficace n’existe.
De précédentes études* avaient montré qu'une cytokine pro-inflammatoire, l’IL15, qui permet de régler la prolifération de cellules, étaient surexprimée chez les patients souffrant de cette maladie. Elles mettaient aussi en évidence qu’un anticorps monoclonal humanisé, l'anticorps anti-L15, initialement développé pour le traitement de la poly-arthrite rhumatoïde, permettait de ré-induire l'apoptose (le processus de mort cellulaire programmée) de cette population clonale de lymphocytes anormaux.
Une équipe de gastro-entérologie de l'hôpital européen Georges Pompidou AP-HP et de l’université de Paris, en collaboration avec cinq autres centres européens et nord-américains universitaires, ont mené une étude prospective chez 28 patients atteints d’une maladie cœliaque réfractaire de type 2, du 13 avril 2016 au 19 janvier 2017. Ces derniers recevaient, après tirage au sort, soit le placebo soit un traitement d’anticorps anti-L15 à la dose de 8 mg/kg toutes les deux semaines pendant trois mois. Des prélèvements par biopsie ont été réalisés à douze semaines pour des analyses cellulaires et histologiques (étude de la structure des tissus).
Les résultats de cette étude ont montré que
> Le nombre de selles liquides était significativement diminué chez les patients traités par anticorps anti-L15 par rapport au groupe qui recevait le placebo.
> Les patients sous traitement avaient une régression ou n'avaient pas de progression du pic monoclonal (évalué par PCR de façon semi quantitative), contrairement au groupe placebo où cela était observé dans environ 50 % des cas. Ce constat pourrait suggérer un effet bénéfique du traitement sur la progression vers un lymphome de haut grade.
> Il existait une diminution non significative de la population anormale de lymphocytes intra-épithéliaux et une tendance non significative à une amélioration des lésions histologiques de type atrophie villositaire (il s’agit de lésions élémentaires de la paroi digestive fréquentes dans les maladies cœliaques).
Cette étude ne montre ainsi pas de différence significative entre l’administration d’une biothérapie (anticorps monoclonal anti Il15) et celle du placebo sur l’amélioration histologique et le nombre de lymphocytes aberrants (critère de jugement principal) chez des patients atteints d’une maladie cœliaque réfractaire de type 2. Elle montre cependant des signaux encourageants sur l’amélioration des symptômes cliniques (diarrhée) et l’absence de progression de la clonalité. L’efficacité de cette biothérapie devra être confirmée par un essai mené sur une durée plus importante et avec un plus grand nombre de patients.
*Interleukin-15-Dependent T-Cell-like Innate Intraepithelial Lymphocytes Develop in the Intestine and Transform into Lymphomas in Celiac Disease. Ettersperger J1, Montcuquet N1, Malamut G2, Guegan N1, Lopez-Lastra S3, Gayraud S1, Reimann C4, Vidal E5, Cagnard N6, Villarese P5, Andre-Schmutz I4, Gomes Domingues R7, Godinho-Silva C7, Veiga-Fernandes H7, Lhermitte L5, Asnafi V5, Macintyre E5, Cellier C2, Beldjord K8, Di Santo JP3, Cerf-Bensussan N9, Meresse B10. Immunity. 2016 Sep 20;45(3):610-625. doi: 10.1016/j.immuni.2016.07.018. Epub 2016 Sep 6.
Sources :
Safety and efficacy of AMG 714 in patients with type 2 refractory coeliac disease: a phase 2a, randomised, double-blind, placebo-controlled, parallel-group study
Prof Christophe Cellier, MD ; Prof Gerd Bouma, MD ;Tom van Gils, MD ; Sherine Khater, MD ; Georgia Malamut, MD ; Laura Crespo, MD et al.
Published: September 04, 2019DOI:https://doi.org/10.1016/S2468-1253(19)30265-1