Des équipes de l’AP-HP en collaboration avec l’EDHEC Business School, l’Université Paris Nanterre, le CNRS1, l’Université Paris Dauphine - PSL, le Centre Hospitalier Saint Joseph Saint Luc de Lyon, le CHU Morvan à Brest et 18 maternités de France, ont mené des travaux pour évaluer l’efficacité des récompenses financières progressivement augmentées, dans l’aide au sevrage tabagique chez 460 femmes enceintes fumeuses. L’étude a bénéficié d’une subvention de l’Institut national du cancer.
Les résultats principaux montrent que la remise de bons d’achat pour récompenser l’abstinence tabagique augmente l’abstinence continue pendant la grossesse. Ces travaux, coordonnés par le Dr Ivan Berlin, du département de pharmacologie de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP, ont fait l’objet le 1er décembre 2021 d’une publication dans la revue British Medical Journal.
Arrêter de fumer est crucial pour la santé de la mère et de son nouveau-né. Seulement la moitié de femmes enceintes fumeuses réussissent à arrêter de fumer. Des études antérieures sur les incitations financières rapportaient des résultats prometteurs mais en l’absence d’étude pivot, ce type d’incitation n’a pas été introduite dans la pratique clinique.
Les équipes de recherche ont, dans cette étude, évalué l’efficacité des récompenses financières progressivement augmentées, dans l’aide au sevrage tabagique chez 460 femmes enceintes fumeuses. L’étude s’est déroulée dans 18 maternités de France. 231 femmes enceintes fumeuses désirant arrêter de fumer ont été randomisées dans le groupe « intervention / incitation financière » et 229 dans le groupe « contrôle » avant la 18ème semaine de grossesse.
Six visites à la maternité ont été programmées. Après une date d’arrêt prédéfinie, les participantes du groupe « contrôle » recevaient 20 € à chaque visite. Les participantes du groupe « intervention / incitation financière » recevaient en plus des bons d’achat de 20 € dont le nombre augmentait progressivement avec la durée de l’abstinence tabagique. Les bons d’achats complétaient un entretien motivationnel d’au moins dix minutes.
Les participantes du groupe « contrôle » pouvaient ainsi obtenir un maximum de 120 € de bons d’achat et les participantes du groupe « intervention / incitation financière » ont pu recevoir un maximum de 520 € de bons d’achat si elles étaient abstinentes tabagiques à chaque visite.
L’abstinence tabagique continue (abstinence de la date d’arrêt jusqu’à la dernière visite avant l’accouchement) était de 16 % (38/231) dans le groupe « intervention / incitation financière » et 7 % (17/229) dans le groupe « contrôle ». La probabilité d’être abstinente lors des visites était quatre fois plus élevée dans le groupe « intervention / incitation financière » que dans le groupe « contrôle ». Les femmes dans le groupe « intervention / incitation financière » fumaient significativement moins de cigarettes tout au long de la grossesse et avaient des envies de fumer plus faibles que les femmes du groupe « contrôle ».
La récompense par bons d’achat était associée à un plus faible nombre de nouveau-nés ayant des issues néonatales négatives (2 % contre 9 %) et davantage de nouveau-nés avec un poids de naissance supérieur ou égal à 2 500 g.
Les résultats principaux montrent que la récompense de l’abstinence tabagique par bons d’achat augmente l’abstinence continue pendant la grossesse comparée à l’absence de récompense.
Les auteurs concluent que l’incitation financière progressive par bons d’achat récompensant l’abstinence tabagique pendant la grossesse pourrait être introduite dans la prise en charge habituelle des femmes enceintes fumeuses. Des études ultérieures devront évaluer le rapport coût-bénéfice et l’acceptabilité de cette intervention.
1 – Le laboratoire EconomiX (CNRS/Université Paris Nanterre) et le Laboratoire d’économie de Dauphine (CNRS/IRD/Université Paris Dauphine - PSL) sont impliqués dans l’étude.
Référence: Financial incentives for smoking cessation in pregnancy: multicentre randomised controlled trial – BMJ
Ivan Berlin, Noémi Berlin, Marie Malecot, Martine Breton, Florence Jusot, Léontine Goldzahl.
doi: https://doi.org/10.1136/bmj-2021-065217
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