Le Centre Hépato-Biliaire de l’hôpital Paul-Brousse AP-HP accueille depuis novembre 2019 la première plateforme de perfusion normothermique du foie en France. Cette plateforme a été développée sur un modèle multicentrique mobilisant les hôpitaux de l’AP-HP Paul-Brousse, Beaujon et Pitié-Salpêtrière. Son objectif est de réhabiliter des greffons écartés en première intention, de la transplantation hépatique, par les critères de sélection "standards" utilisés. Les équipes des hôpitaux AP-HP, Paul-Brousse, Pitié-Salpêtrière et Beaujon ainsi que des scientifiques du laboratoire Modèles de cellules souches malignes et thérapeutiques (Inserm/Université Paris-Sud-Paris-Saclay) ont travaillé à la mise en place de cette technologie innovante développée par la société Organox. Soutenu par l’Agence régionale de santé Île-de-France et l’AP-HP, ce projet contribue à élargir le pool de donneurs disponibles. Les premiers patients dont le greffon aura été réhabilité grâce à cette plateforme, vont pouvoir être transplantés dès décembre 2019.
Le principal facteur limitant de la greffe hépatique est le manque de donneurs et donc de greffons. Les malades en attente d’une greffe de foie sont exposés à un risque croissant d’aggravation de leur maladie du foie ou de leur cancer, avec de possibles sorties de liste ou décès. En France, l’incidence cumulée des décès en attente ou des sorties de liste pour aggravation de l’état de santé du patient était en 2015 de 15% à un an chez les patients en attente d’une 1ère greffe pour cirrhose ou carcinome hépato-cellulaire.
La stéatose hépatique, qui correspond à une surcharge de graisse qui infiltre le cytoplasme des hépatocytes, est une cause majeure de refus de greffon hépatique pour transplantation. Le greffon atteint de stéatose est généralement écarté de la procédure lorsque l'infiltration dépasse 30% à 40% des hépatocytes mais certains greffons peuvent être récusés à tort. Les critères de refus peuvent en effet varier d’une équipe à l’autre et la quantification de la stéatose n’est pas reproductible d'un anatomo-pathologiste à un autre.
La perfusion normothermique oxygénée, déjà utilisée pour le rein et en cours de développement pour le poumon, consiste à perfuser avec du sang oxygéné, le foie écarté en première intention à cause de sa stéatose modérée (30 à 60%) ou sévère (supérieure à 60%). Cela permet de recréer les conditions physiologiques de perfusion et d'oxygénation de l'organe et d'évaluer sa fonctionnalité. Plusieurs données, comme la production de bile et la clairance des lactates sont analysées pendant quatre à six heures afin de vérifier sa viabilité pour une transplantation hépatique. Comme la perfusion normothermique recrée les conditions physiologiques de l’organe dans le corps (température à 37 degrés, oxygénation) pendant au moins 12 heures, cela permet au greffon de conserver de bonnes capacités fonctionnelles, favorables à une greffe et d’optimiser l’organisation des interventions.
La procédure sera d’abord proposée aux patients ayant une hépatopathie ou un carcinome hépato-cellulaire, en attente de greffe pour une durée estimée de plus de six mois.
Cette avancée majeure en transplantation hépatique contribue à réduire la perte potentielle de greffons. Les équipes étudieront sur une période de trois ans le nombre de greffons récusés en première intention mais ayant pu être finalement transplantés après une perfusion normothermique oxygénée.