Les équipes du service de médecine interne de l’hôpital Henri-Mondor AP-HP, de l’Institut Necker – Enfants malades, de l’institut Mondor de Recherche Biomédicale, de l’institut Pasteur, de l’Inserm, et de l’Université Paris-Est Créteil ont étudié la mémoire immunitaire après infection par le variant Omicron BA.1 chez des patients vaccinés avec trois doses du vaccin COVID-19 à ARN messager.
Les résultats de cette étude (MEMO-VOC), coordonnée par le Dr Pascal Chappert et le Pr Matthieu Mahévas, en collaboration avec le Dr Pierre Bruhns et le Dr Félix Rey ont fait l’objet d’une publication le 4 août 2023 dans la revue Immunity.
La protéine Spike du SARS-CoV -21 Omicron BA.1 porte 32 mutations par rapport à la souche ancestrale (Hu-1) identifiée à l'origine. Ces mutations altèrent considérablement les anticorps neutralisants induits par une infection naturelle par le SARS-CoV-2 et/ou la vaccination avec un vaccin à ARNm codant.
La mémoire immunitaire est un mécanisme qui protège les individus contre la réinfection. Cette stratégie de défense de l’organisme qui est à la base du succès des vaccins comprend la production d'anticorps protecteurs dans le sang (détectés par sérologie) ainsi que la formation de cellules à mémoire (lymphocytes B mémoires2), capables de se réactiver rapidement en cellules productrices d'anticorps lors d'une nouvelle infection.
La littérature scientifique a déjà montré3,4 que le répertoire des lymphocytes B mémoires généré par deux ou trois doses de vaccins à ARNm contient des clones neutralisants contre toutes les variants du SARS-CoV-2 jusqu'à Omicron BA.1.
L’équipe de recherche a étudié les lymphocytes B mémoire après une infection par SARS-CoV-2 Omicron BA.1 chez 15 individus préalablement vaccinés avec trois doses du vaccin COVID-19 à ARNm encodant la protéine Spike initiale du virus. Elle les a suivis jusqu’à 6 mois après l'infection par Omicron BA.1 pour caractériser la réponse des lymphocytes B, depuis la réaction immunitaire précoce jusqu'à l'installation tardive de la mémoire à long terme.
Cette étude révèle que l'infection par le variant Omicron BA.1 mobilise principalement des cellules B mémoires reconnaissant des protéines communes entre la protéine Spike initiale et Omicron BA.1 déjà présentes dans le répertoire formé après la vaccination, mais peu de cellules dirigées contre les mutations spécifiques de BA.1.
Néanmoins, l’infection par Omicron BA.1 induit tout de même une réorganisation dans le répertoire de cellules B mémoire sans altérer sa diversité, et une amélioration de l’affinité globale du répertoire B mémoire contre les structures communes de la Spike encodé dans le vaccin d’origine (Spike Hu-1) et celle du variant Omicron BA.1. Cette réorganisation du répertoire mémoire est associée à une amélioration significative de la capacité à neutraliser Omicron BA.1.
Ces résultats suggèrent que l’infection par le virus Omicron BA.1 chez des patients vaccinés remodèle le répertoire des lymphocytes B mémoires et améliore la capacité des cellules mémoires à reconnaitre des épitopes5 conservés du SARS-CoV-2 et à neutraliser le virus.
Des stratégies vaccinales futures seront néanmoins nécessaires pour étendre la réponse immunitaire au-delà des épitopes conservés pour faire face aux futures variations antigéniques du SARS-CoV-2.
Cette étude a été labellisée Priorité Nationale de Recherche par le Comité ad-hoc de pilotage national des essais thérapeutiques et autres recherches sur le COVID-19 (CAPNET). Les auteurs remercient l'ANRS | Maladies infectieuses émergentes pour son soutien scientifique, le ministère de la Santé et de la Prévention et le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation pour leur financement et leur soutien.
[1] Protéine du SARS-CoV‑2 qui permet au coronavirus de pénétrer dans les cellules humaines.
[2] Cellules immunitaires produites essentiellement au niveau des ganglions lymphatiques et de la rate à la suite d’une infection. Elles persistent durablement dans ces régions et conservent le souvenir de l’agent infectieux. Si l’organisme y est à nouveau confronté, ces cellules sont immédiatement mobilisées et réactivent rapidement le système immunitaire pour une protection efficace de l’individu.
[3] Sokal, A., Broketa, M., Barba-Spaeth, G., Meola, A., Ferna´ ndez, I., Fourati, S., Azzaoui, I., de La Selle, A., Vandenberghe, A., Roeser, A., et al. (2022). Analysis of mRNA vaccination-elicited RBD-specific memory B cells re- veals strong but incomplete immune escape of the SARS-CoV-2 Omicron variant. Immunity 55, 1096–1104.e4. https://doi.org/10.1016/j. immuni.2022.04.002.
[4] Goel, R.R., Painter, M.M., Lundgreen, K.A., Apostolidis, S.A., Baxter, A.E., Giles, J.R., Mathew, D., Pattekar, A., Reynaldi, A., Khoury, D.S., et al. (2022). Efficient recall of Omicron-reactive B cell memory after a third dose of SARS-CoV-2 mRNA vaccine. Cell 185, 1875–1887.e8. https:// doi.org/10.1016/j.cell.2022.04.009.
[5] Partie d’une molécule capable de stimuler la production d’un anticorps.
Reference : Aurelien Sokal, Giovanna Barba-Spaeth, Lise Hunault, Ignacio Fernandez, Matteo Broketa, Annalisa Meola, Slim Fourati, Imane Azzaoui, Alexis Vandenberghe, Pauline Lagouge-Roussey, Manon Broutin, Anais Roeser, Magali Bouvier-Alias, Etienne Crickx, Laetitia Languille, Morgane Fournier, Marc Michel, Bertrand Godeau, Sebastien Gallien, Giovanna Melica, Yann Nguyen, Florence Canoui-Poitrine, France Pirenne, Jerome Megret, Jean-Michel Pawlotsky, Simon Fillatreau, Claude-Agnes Reynaud, Jean-Claude Weill, Felix A. Rey, Pierre Bruhns, Matthieu Mahevas, Pascal Chappert. Immununity.