L’essai ANRS RalFE coordonné par le Dr Jade Ghosn de l’hôpital Hôtel-dieu AP-HP et promu par l’ANRS a montré que la concentration de raltegravir libre ne diminuait pas de façon significative au cours du troisième trimestre de la grossesse chez les femmes infectées par le VIH. Ces résultats font l’objet d’une communication orale ce jeudi 26 Juillet lors de la 22e conférence internationale sur le VIH/SIDA, AIDS 2018, qui se déroule à Amsterdam du 23 au 27 juillet 2018.
Le traitement par antirétroviraux est un véritable défi chez les femmes enceintes. Il doit être non toxique pour le foetus mais également bien toléré par la femme enceinte et efficace malgré les changements physiologiques ayant lieu lors d’une grossesse. Actuellement, en France, les traitements recommandés pour les femmes enceintes infectées par le VIH sont des trithérapies à base d’inhibiteurs de la protéase « boostés » par le ritonavir, excepté lorsqu’un déclin rapide de la charge virale est nécessaire. Dans ce dernier cas, une tri ou une quadrithérapie à base de raltegravir (inhibiteur de l’intégrase), molécule antirétrovirale connue pour sa rapidité à diminuer la charge virale, est prescrite.
Les trithérapies à base d’inhibiteurs
Les trithérapies à base d’inhibiteurs de la protéase ne sont pas toujours très bien tolérées par les femmes enceintes et ont été associées, dans certaines études, à la survenue de naissances prématurées. Le raltegravir pourrait être une alternative intéressante. Cependant, plusieurs études ont montré que la concentration totale de ce médicament diminuait chez la femme enceinte lors du troisième trimestre de grossesse du fait des changements physiologiques induits par une grossesse.
Au-delà de la fraction totale du médicament, l’objectif de l’essai ANRS RalFE est de quantifier, chez des femmes enceintes infectées par le VIH et prenant un traitement antirétroviral à base de raltegravir, la fraction libre qui représente un indicateur de son activité. En effet, dans le corps humain, lorsque le raltegravir se lient aux protéines il n’est plus sous sa forme active. Or, le taux d’albumine, protéine principalement impliquée dans ce phénomène de liaison diminue lors de la grossesse. C’est pourquoi il est nécessaire de quantifier précisément la fraction libre de raltegravir lors de la grossesse et en particulier lors du troisième trimestre.
L’essai ANRS RalFE, lancé en 2014, a été mené en France, auprès de 43 femmes vivant avec le VIH. Des échantillons sanguins ont été prélevés entre la 30ème et 37ème semaine de grossesse, à l’accouchement, puis entre la 4ème et 6ème semaine après la naissance de leur enfant.
Les chercheurs ont ainsi observé que la fraction libre de raltegravir diminuait légèrement (de l’ordre de 16%) lors du troisième trimestre de grossesse et qu’il existait une grande variabilité interindividuelle. Cependant, cette diminution n’a pas d’impact clinique et n’est pas suffisante pour justifier l’augmentation de la dose de raltegravir durant la grossesse. Enfin, sur ces 43 femmes, la trithérapie à base de raltegravir s’est montrée efficace, aucun enfant n’a été contaminé par le virus.
Le raltegravir présente de nombreux avantages par rapport aux inhibiteurs de la protéase. Il permet de faire baisser la charge virale plus rapidement, il est mieux toléré au niveau digestif et ne présente aucune interaction avec d’autres médicaments. En démontrant qu’il n’est pas nécessaire de modifier la posologie du traitement à base de raltegravir lors d’une grossesse et en particulier au cours du troisième trimestre, les résultats de l’essai ANRS RalFE sont très encourageants quant à son utilisation chez les femmes enceintes infectées par le VIH, sous réserve de la confirmation de sa tolérance chez les femmes enceintes.
Sources:
Effect of pregnancy on raltegravir free concentrations Yi Zheng, Déborah Hirt, Sihem Benaboud, Jerome Lechedanec2, Jean-Marc Tréluyer1, Sandrine Delmas2, Josiane Warszawski2 , Jade Ghosn3 for the ANRS 160 RalFe Study Group 1Laboratoire de pharmacologie, CHU Cochin, Paris, 2 CESP, Inserm U 1018, Le Kremlin Bicêtre, 3APHP, Paris