Les équipes du Centre régional de Pharmacovigilance, en collaboration avec l’équipe mobile d’infectiologie de l’hôpital Cochin – Port Royal AP-HP (Pr Caroline Charlier) et le CH Annecy Genevois (Dr Contejean), coordonnées par le Dr Laurent Chouchana, ont étudié le risque d’infection avec les anticorps monoclonaux dans le myélome multiple.
Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’une publication le 30 août 2023 dans la revue American Journal of Hematology.
Les patients atteints de myélome multiple1 en rechute peuvent dans certains cas bénéficier d’un traitement par anticorps bispécifique2 ciblant BCMA, une protéine de surface du plasmocyte (BsMAbs anti-BCMA). Ces anticorps ont montré leur efficacité dans cette population mais la littérature3 a montré qu’ils semblaient associés à un risque infectieux.
L’équipe de recherche s’est appuyée sur les données de la base mondiale de pharmacovigilance de l’Organisation Mondiale de la Santé et a analysé 273 491 rapports de sécurité concernant des patients atteints de myélome multiple entre le 1er janvier 2018 et le 23 mai 2023, parmi lesquels 44 994 étaient liés à un effet indésirable infectieux.
Les BsMAbs anti-BCMA représentaient 692 rapports de sécurité, parmi lesquels l’équipe a identifié, après examen au cas par cas, 188 (27,4 %) cas d'infection (168 avec le teclistamab, 20 avec l'elranatamab).
Le délai médian jusqu'à l'apparition de l'infection après le début des BsMAbs anti-BCMA était de 44 jours. La plupart des cas ont été considérés comme graves (166, 88 %), dont 106 (56 %) avec hospitalisation ou hospitalisation prolongée et 43 (23 %) avec issue fatale du fait de l'événement infectieux.
Les infections les plus fréquemment signalées étaient les infections des voies respiratoires (y compris la COVID-19 [34, 18 %], la pneumonie [32, 17 %]), la septicémie bactérienne (23, 12 %) et la septicémie/le choc septique non spécifié ailleurs (NOS, 22 , 12 %).
Les anticorps bispécifiques ciblant BCMA étaient associés à un doublement du risque de rapporter des complications infectieuses en comparaison aux autres traitement utilisés dans le myélome et en particulier aux anticorps bispécifiques ciblant d’autres protéines que BCMA ou aux CAR T-cells ciblant BCMA.
Ces résultats suggèrent une augmentation du risque infectieux dans cette population, avec des événements infectieux précoces et sévères.
Ainsi, ces traitements importants dans la prise en charge des patients atteints de myélome doivent s’accompagner d’une stratégie systématique et robuste de prévention du risque infectieux, incluant une supplémentation en immunoglobulines et une prophylaxie médicamenteuse anti-pneumocystose et antivirale. La connaissance de ce risque permet également de pouvoir proposer un bilan infectiologique large en cas de suspicion d’événement infectieux chez ces patients.
[1] Le myélome multiple est une hémopathie maligne, aussi appelé cancer de la moelle osseuse. Il se caractérise par la prolifération excessive dans la moelle osseuse d’un type de globule blanc nommé plasmocyte, devenu anormal.
[2] Anticorps bispécifiques dirigés spécifiquement contre deux cibles différentes, les cellules tumorales et les cellules immunitaires
[3] Mazahreh F, Mazahreh L, Schinke C, et al. Risk of infections associated with the use of bispecific antibodies in multiple myeloma: a pooled analysis. Blood Adv. 2023; 7: 3074.
Reference : Adrien Contejean, Cécile Janssen, Frédérique Orsini-Piocelle, Céline Zecchini, Caroline Charlier, Laurent Chouchana. American Journal of Hematology