
Des équipes de l’AP-HP (hôpitaux Jean-Verdier, Pitié-Salpêtrière et Henri-Mondor), de Sorbonne université, de l’Université Paris-Est Créteil, de l’université Paris 13 et de l’Inserm, dirigées par les Prs Pierre Nahon et Dominique Thabut, ont mené une étude à partir de la cohorte ANRS CO12 CirVir, qui regroupe 1 822 patients suivis plus de dix ans pour une cirrhose non compliquée, ayant pour origine une infection par le virus de l’hépatite B ou C[1].
Promus par l’ANRS, ces travaux ont mis en évidence que les patients guéris de l’hépatite C ou dont le virus de l’hépatite B n’est plus détectable dans le sang, et souffrant d’une cirrhose à un stade peu avancé, pouvaient bénéficier d’une surveillance allégée, sans réalisation systématique d’une endoscopie digestive haute. Ils ont fait l’objet d’une publication dans la revue Gastroenterology en mars 2019.
La cirrhose est une maladie grave caractérisée par un remplacement progressif des tissus sains du foie par des nodules et du tissu fibreux (fibrose) qui altèrent peu à peu la fonction hépatique.
Jusque récemment, une endoscopie digestive haute, qui consiste à observer la partie supérieure de l'appareil digestif grâce à un tube souple muni d’une petite caméra, était réalisée chez tous les patients pour lesquels une cirrhose avait été diagnostiquée.
L’objectif de cette intervention était de dépister d’éventuelles varices de l’œsophage, qui correspondent à de grosses veines susceptibles de saigner et de provoquer des hémorragies digestives. Un traitement préventif des saignements peut être mis en place.
Depuis une vingtaine d’années, les méthodes de diagnostic d’une cirrhose du foie ont évolué : une prise de sang ou une mesure de l’élasticité hépatique suffisent pour la détecter. Tous les patients diagnostiqués ne se situent pas au même stade de la maladie et certains ont une cirrhose très peu avancée. C’est notamment le cas pour les patients guéris d’une hépatite C.
Les recommandations émises lors de la conférence de Baveno VI (en avril 2015) suggèrent qu’une endoscopie digestive haute pourrait être évitée chez le sous-groupe de patients atteints d’une cirrhose débutante qui présentent une élasticité du foie basse (<20kPa) et des plaquettes inférieures à 150 000/mm3.
Jusqu’à maintenant, ces recommandations n’avaient pas été validées pour des patients guéris de l’hépatite C ou dont le virus n’est plus détectable dans le sang pour l’hépatite B.
Des équipes de l’AP-HP (hôpitaux Jean-Verdier, Pitié-Salpêtrière et Henri-Mondor), de Sorbonne université, de l’Université Paris-Est Créteil, de l’université Paris 13 et de l’Inserm, dirigées par les Prs Pierre Nahon et Dominique Thabut, ont mené une étude à partir des données de 891 patients suivis dans le cadre de la cohorte ANRS CO12 CirVir. Elles ont étudié la présence de varices de grande taille, et leur progression dans le temps chez les patients présentant une cirrhose débutante.
Chez ces patients, sélectionnés sur l’élasticité hépatique et le dosage de plaquettes, on ne retrouvait pas de varices de grande taille, donc nécessitant la mise en place d’un traitement préventif. L’endoscopie digestive pouvait donc être évitée sans risque. Une mesure de l’élasticité du foie et un dosage de plaquettes annuels suffisent donc chez les patients guéris de l’hépatite C ou dont le virus de l’hépatite B n’est plus détectable dans le sang.
Seuls les patients chez qui le taux de plaquettes diminuait en-dessous de 150000/mm3 et/ou l’élasticité hépatique augmentait au-delà de 20 kPa devaient subir une endoscopie digestive haute.
Ces résultats représentent une bonne nouvelle pour ces patients qui peuvent vivre l’endoscopie digestive comme une procédure invasive. Les équipes pourront également se concentrer davantage sur les patients à risque d’hémorragie chez qui l’endoscopie est indispensable.
Dominique Thabut,1,2 Christophe Bureau,3,4 Richard Layese,5 Valérie Bourcier,6 Maryam Hammouche,6 Carole Cagnot,7 Patrick Marcellin,8 Dominique Guyader,9 Stanislas Pol,10 Dominique Larrey,11 Victor De Lédinghen,12 Denis Ouzan,13 Fabien Zoulim,14 Dominique Roulot,15 Albert Tran,16 Jean-Pierre Bronowicki,17 Jean-Pierre Zarski,18 Odile Goria,19 Paul Calès,20 Jean-Marie Péron,21 Laurent Alric,22 Marc Bourlière,23 Philippe Mathurin,24 Jean-Frédéric Blanc,25 Armand Abergel,26 Lawrence Serfaty,27 Ariane Mallat,5 Jean-Didier Grangé,28 Pierre Attali,29 Yannick Bacq,30 Claire Wartelle-Bladou,31Thông Dao,32 Christophe Pilette,33 Christine Silvain,34 Christos Christidis,35 Dominique Capron,36 Brigitte Bernard-Chabert,37 Sophie Hillaire,38 Vincent Di Martino,39 Angela Sutton,40,41,42 Etienne Audureau,5 Françoise Roudot-Thoraval,5 and Pierre Nahon,6 for the ANRS CO12 CirVir group
DOI: https://doi.org/10.1053/j.gastro.2018.11.053
[1] La cohorte ANRS CO12 CirVir est la plus ancienne cohorte prospective de patients infectés par les virus des hépatites B et C soutenue par l’ANRS. Initiée en 2006, la cohorte comprend 1 822 patients. Le suivi des patients a pris fin en 2017 et une grande partie d’entre eux sont désormais inclus dans la cohorte ANRS CO22 HEPATHER.