Des chercheurs de l’AP-HP, de l’Inserm, des Instituts Gustave Roussy, Curie et du Centre Oscar Lambret, coordonnés par le Docteur Cécile Thomas-Teinturier du service d’endocrinologie pédiatrique de l’hôpital Bicêtre se sont intéressés à l’impact de certaines thérapeutiques sur la fertilité des femmes qui sont guéries d’un cancer pédiatrique. Ces recherches réalisées avec le soutien financier de La Ligue contre le cancer font l’objet d’une publication dans la revue Human Reproduction le 23 mars 2015.
Avec l’augmentation de la survie, l’impact des thérapeutiques sur la fertilité future des filles guéries d’un cancer dans l’enfance peut altérer leur qualité de vie. Chez toutes les femmes, la durée de la vie reproductive est liée au nombre de follicules présents dans les ovaires, dont le stock n’est pas renouvelable et décline au cours du temps. La ménopause survient lorsque ce stock descend en-dessous d’un certain seuil, 5 à 10 ans après la fin de la période de fertilité.
Dans cette étude, les chercheurs ont émis l’hypothèse que les femmes traitées par chimiothérapie avec des médicaments de la classe des alkylants - cyclophosphamide, ifosfamide, procarbazine - pour un cancer dans l’enfance auraient un capital folliculaire diminué bien que leur fonction ovarienne apparente soit encore intacte (cycles réguliers).
Ils ont évalué la réserve ovarienne de 105 femmes guéries d’un cancer dans l’enfance, qui avaient reçu dans leur enfance des alkylants, mais sans radiothérapie sur la région du petit bassin. Les investigations ont comporté des dosages hormonaux, notamment hormone anti-müllerienne ( un marqueur fiable de la réserve ovarienne) la mesure, par échographie, de la taille des ovaires et le comptage du nombre de follicules. Les résultats ont été comparés à ceux de 20 femmes du même âge, n’ayant pas reçu de chimiothérapie.
L’équipe a constaté que les 105 femmes guéries d’un cancer pédiatrique avaient des ovaires plus petits que les femmes non traitées et un taux d’hormone anti-müllerienne significativement plus bas. Cette diminution était plus marquée chez les patientes ayant reçu de la procarbazine pour un lymphome de Hodgkin, ou une chimiothérapie par alkylants à forte dose avant une greffe de moelle osseuse. Ni la dose de cyclophosphamide ni celle d’ifosfamide ne semblait associée avec une réserve ovarienne diminuée.
« Ces résultats semblent confirmer notre hypothèse » explique le Dr Thomas-Teinturier. « D’un point de vue théorique, la fin de la période de fertilité risque de survenir plus tôt chez ces femmes guéries d’un cancer pédiatrique. Ceci ajouté au recul de l’âge à la première grossesse risque chez elles d’augmenter les difficultés à la procréation ».
Cependant, bien que l’évaluation de la réserve ovarienne semble un bon facteur de prédiction du taux de grossesse chez les femmes infertiles soumises aux techniques de procréation médicalement assistée, il existe peu de données concernant son utilité réelle pour conseiller les jeunes femmes guéries d’un cancer pédiatrique sur l’atteinte éventuelle de leur fertilité, et leur risque de progression vers une ménopause précoce.
« Il nous paraît donc nécessaire de suivre l’évolution de ces marqueurs dans cette cohorte de patientes afin de définir les seuils qui permettraient de prédire la fenêtre de fertilité et la survenue de la ménopause au cours des années suivantes » poursuit le Dr Thomas-Teinturier. « L’ultime objectif de notre étude est de pouvoir, dans le futur, conseiller individuellement ces jeunes femmes sur leur capacité de procréation au cours des cinq années suivantes en se basant sur les résultats de leur bilan à un moment donné. »
Contact chercheur
Dr Cécile Thomas-Teinturier,
Service d’endocrinologie pédiatrique de l’hôpital Bicêtre/ Inserm CESP U1018
Tél : 01 45 21 78 52