Au-delà de la flore intestinale, les acides gras à chaines courtes produits par certaines bactéries présentes au sein du microbiote, pourraient influencer la réponse immunitaire antitumorale localement et à distance. Ils auraient de ce fait un impact sur la réponse aux traitements d’immunothérapie comme l’ipilimumab. Ces résultats font l’objet d’une communication orale par le Dr Clelia Coutzac, du service d’oncologie digestive à l’hôpital européen Georges Pompidou AP-HP, le samedi 28 septembre 2019.
Différents travaux ont montré que la composition de la flore intestinale peut influencer la réponse à l’ipilimumab chez des patients atteints d’un mélanome métastatique avancé. Ce traitement d’immunothérapie consiste à agir sur le système immunitaire du patient pour combattre le cancer. Il repose sur l’utilisation d’anticorps qui lèvent l’inhibition entre les récepteurs des points de contrôle (ou « checkpoints ») du système immunitaire qui ont été détournés de leur rôle premier par les cellules cancéreuses à leur profit.
La flore intestinale pourrait jouer un rôle local en renforçant la barrière intestinale mais elle pourrait aussi influencer à distance le système immunitaire via la production d’acides gras à chaine courte (AGCC : butyrate, propionate).
Cette étude visait à rechercher chez la souris et chez des patients, une éventuelle association entre les taux d’AGCC et la réponse au traitement par ipilimumab.
Parmi les 50 patients inclus dans cette étude, atteints d’un mélanome métastatique et traités par ipilimumab, des taux sériques bas de butyrate et de propionate en pré-thérapeutique ont été retrouvés chez ceux dont la flore intestinale était enrichie en faecalibacterium.
Les faibles taux sériques de butyrate étaient associés à l’efficacité de l’ipilimumab en termes de survie sans progression et de survie globale. Des concentrations élevées de butyrate sont au contraire associés à une résistance au traitement par ipilimumab.
Dans les modèles de souris avec cancer et supplémentés en butyrate, l’immunothérapie a une efficacité limitée, indépendamment de la composition de la flore intestinale. Les données suggèrent que cette inefficacité peut être liée à une inhibition de la maturation des cellules dendritiques, de l’activation de cellules T spécifiques de la tumeur et de l’induction de cellules T mémoires détournées de leur rôle premier via le butyrate.
Chez les patients, la présence de taux élevés de butyrate semblait associée à une forte concentration de lymphocytes T régulateurs, définissant un profil immunitaire d’immunotolérance (c’est-à-dire que l’organisme ne réagit pas par la production d’anticorps à l’introduction d’un antigène donné). Ce profil était peu répondeur à l’ipilimumab. En revanche, les patients avec de faibles taux sériques de butyrate présentaient une bonne réactivation de cellules T mémoire sous ipilimumab avec une meilleure réponse anti-tumorale.
Ces données suggèrent que les métabolites issus de la flore intestinale, et en particulier les AGCC, pourraient être impliqués dans la résistance à l’ipilimumab en induisant une immunotolérance.
Source:
Systemic gut microbial metabolites limit the anti-tumor effect of CTLA-4 blockade in hosts with cancer.
3O - Lecture time: 17:24 - 17:36
C. Coutzac, J.-M. Jouniaux, A. Paci, V. Asvatourian, P. Saulnier, L. Lacroix, F. Carbonnel, P. Ascierto, C. Robert, N. Chaput.