Une étude visant à évaluer une ré-administration d’anticorps bloquant les points de contrôle du système immunitaire chez des patients atteints de cancer a été menée par une équipe du service de médecine interne - immunologie clinique de l’hôpital Bicêtre AP-HP, du Centre d’expertise des complications des immunothérapies anti cancéreuses des Hôpitaux universitaires Paris Sud AP-HP et de l’Université Paris Sud, dirigée par le Pr Olivier Lambotte, en collaboration avec le département de l’Innovation Thérapeutique et des Essais Précoces (DITEP) de Gustave Roussy dirigé par le Dr Christophe Massard et en lien avec le programme d’immunothérapie de Gustave Roussy (GRIP) dirigé par le Dr Aurélien Marabelle. Les patients atteints de cancer avaient présenté des effets indésirables graves à l’origine de l’arrêt du premier traitement. Ces travaux ont été publiés dans la revue Jama oncology du 07 juin 2019.
L’immunothérapie anti cancéreuse, qui est l’une des révolutions thérapeutiques de ces dernières années, consiste à utiliser le système immunitaire du patient pour combattre le cancer. Elle repose sur l’utilisation d’anticorps qui bloquent les points de contrôle (ou « checkpoints ») du système immunitaire qui ont été détournés de leur rôle premier par les cellules cancéreuses à leur profit.
Le blocage de ces points de contrôle, comme PD-1, permet de libérer l’action des lymphocytes T anti-cancéreux qui peuvent alors détruire la tumeur. L’efficacité de ces thérapies ciblées est significative, avec en moyenne 40 % de réponse chez les patients atteints de cancers métastatiques.
Les inhibiteurs des checkpoints immunitaires (« immune checkpoint blockers » ou « ICB ») peuvent toutefois causer des effets secondaires immunitaires sévères et parfois létaux. Ils réactivent en effet des lymphocytes auto-réactifs capables d'attaquer nos propres organes. Ils peuvent entraîner la survenue chez des patients traités par anti-PD-1 d’environ 10 % d’effets indésirables graves.
Les équipes du service de médecine interne - immunologie clinique de l’hôpital Bicêtre AP-HP, du Centre d’expertise des complications des immunothérapies anti-cancéreuses des Hôpitaux universitaires Paris Sud AP-HP et de l’Université Paris Sud, ont mené une étude, en collaboration avec le département de l’Innovation Thérapeutique et des Essais Précoces de Gustave Roussy, sur la possibilité de ré-administrer une immunothérapie par anti-PD-1, qui s’était montrée efficace chez des patients en impasse thérapeutique mais qui avait dû être interrompue en raison d’une toxicité trop importante.
Ces équipes ont passé en revue, lors de réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP) dédiées à la gestion des toxicités sous immunothérapie, les dossiers de 93 patients pris en charge dans différents services des Hôpitaux universitaires Paris Sud AP-HP et de Gustave Roussy entre 2015 et 2017 et chez qui une réintroduction d’anti-PD-1 pouvait être envisagée. Ces RCP appelées « RCP ImmunoTOX », qui se déroulent une fois par mois à Gustave Roussy, sont l’occasion d’échanger sur une toxicité spécifique, en présence de référents spécialistes.
Un anti-PD-1 a ainsi été réintroduit chez 43 patients.
Sur un suivi médian de 14 mois, une rechute de l’effet indésirable responsable de l’arrêt initial du médicament ou un autre effet indésirable est survenu chez 22 patients (55%). Le second effet indésirable n’était pas plus grave (qu'il s'agisse de colite, de pneumonie interstitielle, d'atteintes cutanées ou articulaires) que le premier et aucun décès n’a été observé.
Ces résultats montrent que la réutilisation d’une immunothérapie par anti-PD-1 est possible chez des patients qui en avaient bénéficié et pour lesquels le médicament avait dû être arrêté pour un premier épisode de toxicité, sous réserve d’une discussion collégiale et d’un suivi rapproché des patients concernés.
Ils soulignent également que plusieurs éléments doivent être pris en compte dans la décision de reprendre l’immunothérapie : le traitement ne peut être ré-administré que s’il y a résolution complète de l'effet indésirable et absence d'autre solution thérapeutique chez des patients dont le cancer progresse à nouveau. L’immunothérapie ne peut en revanche pas être reprise si l’effet indésirable n’a pas été résolu, si une réponse complète au traitement a été obtenue et si des toxicités graves de type cardiaque ou neurologiques ont été observées chez le patient.
Des études prospectives seront nécessaires pour obtenir des données complémentaires à ces travaux.
Source :
Audrey Simonaggio, MD1; Jean Marie Michot, MD1,2; Anne Laure Voisin, MD3; Jérome Le Pavec, MD, PhD4; Michael Collins, MD5,6; Audrey Lallart, MD3; Geoffray Cengizalp, MD3; Aurore Vozy, MD1; Ariane Laparra, MD1; Andréa Varga, MD1; Antoine Hollebecque, MD1; Stéphane Champiat, MD, PhD1; Aurélien Marabelle, MD, PhD1; Christophe Massard, MD, PhD1; Olivier Lambotte, MD, PhD2,7,8,9
JAMA Oncol. Published online June 6, 2019. doi:10.1001/jamaoncol.2019.1022