Les résultats de mortalité à long terme de l’essai MINT sur les stratégies de transfusion sanguine des patients présentant un infarctus du myocarde et une anémie viennent d’être présentés par le Pr Tabassome Simon, co-fondatrice du réseau F-CRIN « FACT », cheffe du service de pharmacologie clinique à l’hôpital Saint-Antoine AP-HP, au Congrès Européen de Cardiologie (ESC) le plus grand congrès mondial de Cardiologie, qui s’est tenu à Londres du 30 août au 2 septembre, et publiés par le journal Circulation. Il s’agit du plus grand essai mondial jamais conduit dans cette indication avec 144 centres associés aux États Unis, au Canada, au Brésil, en Nouvelle Zélande, en Australie et en France, et plus de 3500 patients.
MINT est un essai randomisé académique financé par le National Heart Lung and Blood Institute, le Canadian Blood Services and Canadian Institutes of Health Research (CIHR), l’Institute of Circulatory Respiratory Health, l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et l’Agence Nationale de Recherche-France (via le RHU Ivasc) sous la coordination du Pr Jeffrey Carson. La partie française de l’essai, promue par l’AP-HP, a été réalisée grâce à la participation active des centres du réseau F-CRIN « FACT » sous la coordination du Pr Philippe Gabriel Steg, co-fondateur du réseau F-CRIN « FACT », chef du service de cardiologie à l'hôpital Bichat AP-HP, en lien avec l’Unité de Recherche clinique Est Parisien (Pr T. Simon).
L’infarctus du myocarde (IDM ou crise cardiaque) est l’une des premières causes de décès dans le monde, y compris en France. Il y a environ 100 000 infarctus du myocarde par an en France. L’anémie (manque de globules rouges dans le sang) est souvent présente chez les patients ayant subi un infarctus du myocarde. Elle peut aggraver leur état car plus le taux d'hémoglobine (la protéine qui transporte l'oxygène dans le sang) est bas, plus le risque de complications cardiovasculaires augmente. Elle est un facteur indépendant de pronostic, avec un sur-risque de 21% de troubles cardiovasculaires pour chaque diminution de 1 g/dl d’hémoglobine en dessous de 14 g/dl. C'est pourquoi il peut sembler logique de vouloir corriger cette anémie en transfusant du sang sous la forme de culots globulaires pour améliorer la santé du patient.
Le bénéfice de la transfusion dans ce contexte d’infarctus du myocarde est pourtant débattu. En théorie, la transfusion devrait augmenter l'apport d'oxygène au myocarde, mais des données récentes ont montré que le sang transfusé a une forte capacité à capter l'oxygène, mais il a du mal à le libérer dans les tissus du corps, notamment dans le cœur endommagé par une crise cardiaque, en raison de sa faible concentration en 2,3-DPG (disphosphoglycérate). Par ailleurs, pendant leur stockage avant d’être transfusés, les globules rouges perdent rapidement leur monoxyde d’azote (NO), une substance importante pour le bon fonctionnement des vaisseaux sanguins, ce qui pourrait poser problème chez les patients ayant des troubles cardiaques. Enfin, les transfusions de globules rouges peuvent également accroître l’activité des plaquettes dans le sang, avec des conséquences potentiellement délétères dans ce contexte d’infarctus du myocarde. Très peu d’essais randomisés ont analysé l’impact des différentes stratégies de transfusion pour les patients ayant à la fois un infarctus du myocarde et une anémie.
Après deux études pilotes randomisées de très faible effectif (45 et 110 patients) aux États Unis, avec des résultats opposés, un premier essai randomisé européen REALITY, promu par l’AP-HP et financé par les ministères français de la santé (Programme de Recherche Médico-Économique (PRME) et espagnol, a été réalisé avec les centres du réseau F-CRIN « FACT » sous la coordination des Prs Philippe Gabriel Steg et Gregory Ducrocq, en lien avec l’Unité de Recherche clinique Est Parisien (Pr T. Simon). Les résultats sur 660 patients de ce 1er essai n’avaient pas permis de conclure clairement. En effet, les différences de résultats entre la stratégie de transfusion restrictive (donner moins de sang) et la stratégie de transfusion libérale (donner plus de sang) sur les risques cardiovasculaires majeurs (décès, récidive d’infarctus, accident vasculaire cérébral) à un mois, n’ont pas été confirmés après un an de suivi.
Dans ce contexte, les résultats de l’essai randomisé MINT réalisé au sein de 144 centres aux États Unis, au Canada, au Brésil, en Nouvelle Zélande, en Australie et en France (La partie française promue par l’AP-HP, rendue possible grâce à la participation active des centres du réseau F-CRIN « FACT » sous la coordination du Pr Philippe Gabriel Steg en lien avec l’Unité de Recherche clinique Est Parisien (Pr T. Simon), qui a comparé pendant 6mois, l’effet de deux stratégies transfusionnelles, la stratégie restrictive (Hémoglobine à 7-8g/dL) versus la stratégie libérale (Hémoglobine >10g/L), chez 3504 patients présentant un infarctus du myocarde et une anémie (< 10g/dl) étaient très attendus. Car c’est, de loin, le plus grand essai jamais conduit dans cette indication.
Les résultats sur le critère principal de l’essai (mortalité ou récidive d’infarctus du myocarde à 1 mois) ont été publiés dans le New England Journal of Medicine. L’analyse révèle qu’1 mois, il y a eu moins de décès ou de crises cardiaques dans le groupe qui a reçu plus de transfusion sanguine (14,5%) comparé au groupe qui a reçu moins de transfusion (16,9% de cas).
Les résultats sur la mortalité à 6 mois (critère secondaire de l’essai), viennent d’être présentés au Congrès Européen de Cardiologie (ESC) à Londres et publiés simultanément dans Circulation. La mortalité globale à 6 mois est inférieure (20.5% de cas) dans le groupe qui a reçu plus de transfusion sanguine (stratégie libérale) que dans celui qui a reçu moins de transfusion (21.7% de cas pour la stratégie restrictive); Mais plus intéressant encore, le risque de décès d’origine cardiaque serait réduit de 52% dans le groupe libéral par rapport au groupe restrictif (6% versus 9%) ; Cette surmortalité d’origine cardiaque dans le groupe de transfusion restrictive est significative durant le premier mois (5.6% versus 3,2%) et se maintient à 6 mois.
En conclusion, l’ensemble de ces résultats converge vers un bénéfice d’une stratégie de transfusion « libérale » comparée à une stratégie « restrictive » : transfuser plus de sang aux patients présentant un Infarctus du Myocarde et une anémie améliorerait leurs chances de survie.