Le Professeur Hélène Blons et son équipe du service de Biochimie, UF : ONSTep : Oncogénétique somatique, théranostique et pharmacogénétique de l’hôpital européen Georges-Pompidou AP-HP, ont participé à une analyse ancillaire de l’essai PRODIGE-28 dont elle présente les résultats cette année en communication orale au congrès de l’ESMO. L’essai PRODIGE-28 UCGI-27, est un essai national multicentrique de phase II, géré par UNICANCER dont le promoteur est la FFCD. Il évalue l’efficacité du cetuximab en entretien après 8 cycles de FOLFIRI/cetuximab chez des patients avec un cancer colorectal métastatique non résécable, RAS sauvage, répondeurs ou stables à la chimiothérapie d’induction. Les résultats présentés au congrès de l’ESMO portent sur l’impact pronostique du statut mutationnel des tumeurs et montrent que l’existence d’une mutation d’un gène liée à l’activation de la voie des MAP kinases est un facteur de risque indépendant de progression pendant la maintenance et que les patients qui bénéficient le plus d’une maintenance par cetuximab sont ceux porteurs d’un cancer colorectal « MAP kinases sauvage » avec plus de 50% des patients sans progression à 6 mois sous traitement de maintenance.
L’étude PRODIGE-28 : intérêt d’un traitement d’entretien par cétuximab
Chez les patients présentant un cancer colorectal métastatique non résécable, peu d'études jusque-là avaient recherché les effets d’un traitement d'entretien après une chimiothérapie associée à une thérapie ciblée anti EGFR administrée en première ligne. PRODIGE-28 UCGI-27 mené par le groupe coopérateur UNICANCER est un essai français, randomisé de phase II, multicentrique, concernait des patients atteints d’un cancer colorectal métastatique non résécable RAS sauvage (gènes KRAS/NRAS non mutés) pour lesquels, sous réserve d’un contrôle de la maladie après 8 cycles de chimiothérapie associée à un inhibiteur de l’EGFR (cetuximab), était proposé un traitement de maintenance par cetuximab. Sur 214 patients inclus 139 patients, répondeurs ou stables ont été randomisés dans deux groupes : maintenance par cetuximab ou observation. Le cetuximab était poursuivi jusqu’à progression de la maladie, toxicité inacceptable ou décès. Les résultats présentés en 2021 au congrès de l’ASCO qui avaient rapporté des taux de survie sans progression à 6 mois après le début du traitement d’entretien (critère principal de cette étude) de 7% dans le groupe contrôle (observation) et de 39% dans le groupe ayant reçu du cetuximab en traitement d’entretien, ne permettaient pas d’atteindre l’objectif principal.
Une analyse approfondie pour identifier des critères associés à la réponse au cetuximab en traitement d’entretien
Une analyse complémentaire des données de cette étude a été menée afin de rechercher l’impact, (1) de la présence de cellules tumorales circulantes (CTCs) et (2) du profil moléculaire de la tumeur au-delà du statut RAS, sur le taux de survie sans progression à 6 mois et la survie sans progression après randomisation.
- Les CTCs ont été recherchées et quantifiées au moment du diagnostic et à la fin de la chimiothérapie d’induction. Un niveau élevé de CTCs (n>3) ont été identifiées chez 34% des patients au moment du diagnostic et chez seulement 3% des patients après la chimiothérapie d’induction, mais aucune association n’a été observée entre le nombre initial de CTCs ou leur décroissance sous traitement, et la réponse à la chimiothérapie d’induction et la survie sans progression à 6 mois après le début du traitement d’entretien par cetuximab.
- Le profil mutationnel a été analysé par un panel NGS hotspot couvrant 22 gènes. Parmi les altérations génétiques récurrentes, les mutations à l’origine d’une activation des voies oncogéniques des MAP kinases (regroupées sous le terme MAPK/mutées comprenant BRAF, KRAS rares, et MAP2K1, FGFR1-3, EGFR, ERBB2, MET et ALK) ou de la PI3KCA (PI3KCA, AKT1, PTEN) étaient associées à une localisation à droite du cancer.
Les marqueurs associés à une diminution de la réponse à la chimiothérapie d’induction étaient, comme attendu, la localisation droite et une tendance a été identifiée pour les tumeurs MAPK/mutées
Dans la population randomisée, une augmentation du risque de progression ou de décès à 6 mois de 35% (HR :1,65) a été identifiée chez les patients ayant une tumeur MAPK/mutée. Ce critère était le seul marqueur associé à la réponse à cette stratégie de maintenance en analyse multivariée incluant le PS et la localisation tumorale.
L’analyse de l’impact de l’activation de la voie des MAP kinases en fonction des bras de traitement (cetuximab en maintenance ou observation) montre que la survie sans progression à partir de la randomisation est augmentée dans le bras cetuximab pour les patients ayant une tumeur MAPK/sauvage avec plus de 50% des patients non progresseurs à 6 mois versus 15% dans le bras observation. Aucun bénéfice n’est rapporté pour les patients ayant une tumeur MAPK/mutée.
Conclusions et perspectives
Ces données indiquent que la présence d’une mutation dans un gène de la voie des MAP kinases est un facteur pronostique indépendant de survie sans progression à 6 mois chez les patients en maintenance après un traitement de 1ère ligne associant une chimiothérapie et un inhibiteur de l’EGFR (cetuximab), et suggèrent que les patients qui ne présentent pas d’activation de cette voie pourraient bénéficier d’une maintenance par cetuximab. Les données de survie globale n’étaient pas encore matures au moment de l’analyse et sont attendues prochainement.
Références
Communication orale mise en ligne le samedi 18 septembre à 17h30 (heure française) sur le site de l’ESMO
Abstract 387MO - Tumour mutation profiles and Circulating tumour cells in Metastatic Colorectal Cancer patients treated with FOLFIRI + cetuximab: A Prospective Ancillary Study of the UNICANCER PRODIGE-28 trial. Hélène Blons (Paris, France) et al.