Le Pr Catherine Thiéblemont et son équipe, du service d’hémato-oncologie de l’hôpital Saint-Louis AP-HP, ont participé à un essai international de phase II, ELARA, dont l’objectif était d’évaluer l’intérêt d’un traitement par CAR-T cells (tisagenlecleucel) dans les lymphomes folliculaires en rechute ou réfractaires. Parmi les 94 patients inclus et évaluables, lourdement pré traités, d’un âge médian de 57 ans, 66% d’entre eux ont présenté une réponse complète et 86% une réponse partielle ou complète. Ces données remarquables rapportent aussi très peu de toxicité, la majorité des évènements indésirables liés au traitement étant de grade ≤3.
Les résultats de cette étude ELARA seront présentés au congrès de l’ASCO sous la forme d’une communication orale en Oral Abstract Session le lundi 7 juin.
Contexte
Les lymphomes folliculaires : des rechutes multiples
Les lymphomes sont des hémopathies malignes qui peuvent être assimilés à des cancers des ganglions, parmi lesquels les lymphomes folliculaires sont les deuxièmes lymphomes les plus fréquents chez l’adulte. Le lymphome folliculaire est un lymphome indolent, caractérisé par une évolution plutôt lente avec de multiples rechutes dont les traitements reposent actuellement sur l’association d’une chimiothérapie et de traitements ciblées comme le rituximab (anticorps monoclonal anti CD20).
Les CAR-T cell : un nouveau concept de traitement
Les CAR-T Cells sont fabriqués à partir des lymphocytes T, impliqués dans l’immunité cellulaire de l’organisme, et modifiés génétiquement pour renforcer leur activité antitumorale. Des résultats d’efficacité significatifs ont été déjà démontrés avec les CAR-T cells dans d’autres hémopathies malignes comme les lymphomes agressifs, notamment les lymphomes diffus à grandes cellules B et dans certaines leucémies aigues.
L’essai ELARA : premiers résultats présentés à l’ASCO
Les lymphomes folliculaires présentant souvent à la surface des cellules tumorales l’expression d’une protéine, CD19, des CAR-T cells sont été développées pour cibler spécifiquement ce récepteur.
Méthodologie
Après des premiers résultats prometteurs, l’essai de phase II, international, multicentrique, ELARA, a été mis en place afin d’évaluer les effets des CAR-T cells anti CD19 chez des patients atteints d’un lymphome folliculaire ayant reçu au moins 2 lignes antérieures de traitement ou en échec après un traitement intensif avec une autogreffe de cellules souches.
Le traitement s’est déroulé en deux étapes avec une chimiothérapie lymphodéplétive (destruction des lymphocytes) suivie de l’administration de CAR-T cells anti CD19, le tisagenlecleucel. Le critère principal était le taux de réponse complète évaluée par un comité indépendant d’après les critères de Lugano.
Une réponse complète obtenue chez deux patients sur trois
Les résultats de cette étude sont présentés pour la première fois cette année au congrès de l’ASCO. Au total, 98 patients d’un âge médian de 57 ans (29-73 ans) ont été inclus parmi lesquels 8 à l’hôpital APHP Saint-Louis (Paris). Il s’agissait de patients lourdement pré traités qui avaient reçu un nombre médian de 4 lignes de traitement (2 à 13 lignes), 78% d’entre eux présentaient une maladie réfractaire au dernier traitement et 60% d’entre eux étaient en progression moins de 2 ans après le premier traitement.
Parmi les 94 patients évaluables ayant reçu le traitement par tisagenlecleucel, 66% d’entre eux ont présenté une réponse complète (critère principal de l’étude) et 86% une réponse partielle ou complète et. A 6 mois, 94% des patientes étaient toujours en réponse et 76% n’avaient pas présenté de progression de leur maladie.
Au cours des 8 semaines qui ont suivi l’administration de CAR-T cells, des évènements indésirables de grade ≥3 sont survenus chez 65% des patients et il s’agissait le plus souvent de neutropénie (28%) et d’anémie (13%). Les toxicités liées au traitement , tels que le syndrome de relargage cytokinique et la neurotoxicité, ont été modérés, rapportées au total chez 49% et 9% des patients respectivement, mais sans aucun syndrome de relargage cytokinique de grade ≥3, et les toxicités neurologiques étaient toutes de grade <4 (sauf 1 patient qui a présenté un effet de grade 4).
Conclusion
Ces résultats remarquables mettent en évidence l’intérêt d’un traitement par CAR-T cells anti-CD19 chez les patients atteints d’un lymphome folliculaire, multi traités et en rechute ou réfractaires avec un taux de réponse complète de 66% et des syndromes de relargage cytokinique et des toxicités neurologiques moins fréquents et moins sévères que ceux rapportées dans d’autres indications. Ces données obtenues avec cette nouvelle approche thérapeutique d’immunothérapie cellulaire, démontrent un bénéfice jamais obtenu jusque-là. Elles devraient permettre prochainement l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché de ces CAR-T cells (tisagenlecleucel) dans le traitement des patients atteints d’un lymphome folliculaire en rechute ou réfractaire après ≥2 lignes antérieures de traitement.
Retrouvez en vidéo les explications du Pr Catherine Thieblemont
Références
Abstract 7508
https://meetinglibrary.asco.org/record/196296/abstract
Stephen J. Schuster, Michael J. Dickinson, Catherine Thiéblemont et al. Efficacy and safety of tisagenlecleucel (Tisa-cel) in adult patients (Pts) with relapsed/refractory follicular lymphoma (r/r FL): Primary analysis of the phase 2 Elara trial. ASCO 2021; abst 7508