Les Prs Etienne Audureau et Florence Canouï-Poitrine, épidémiologistes au sein du service de santé publique de l’hôpital Henri-Mondor AP-HP, ont mené une étude pluridisciplinaire française qui s’est appuyée sur une méthode originale de « machine learning » afin de mettre au point un algorithme prédictif de la mortalité à un an chez les patients âgés atteints de cancer.
Présenté au congrès de l’ASCO le samedi 1er juin 2019, ce travail innovant a pu voir le jour avec la collaboration d’oncologues, de gériatres, d’épidémiologistes et de statisticiens de la faculté de médecine de Paris-Est Créteil (équipe de recherche CEpiA, Institut Mondor de Recherche BioMédicale) et de l’Institut Bergonié (Bordeaux).
Les médecins et professionnels de santé implémenteront cet outil pronostique via une interface web afin d’optimiser la prise en charge de leurs patients âgés atteints de cancer et favoriser pour chaque patient une stratégique thérapeutique personnalisée.
>> Présentation de ces travaux par le Pr Florence Canouï-Poitrine, du service de santé publique de l’hôpital Henri-Mondor AP-HP
Le cancer est une maladie du sujet âgé puisqu’environ deux tiers des nouveaux cas de cancer surviennent après l’âge de 65 ans. L’évaluation du pronostic chez ces patients est déterminante mais reste difficile du fait de l’hétérogénéité importante de cette population et des interactions complexes entre les facteurs prédictifs oncologiques et gériatriques.
L’étude, présentée au congrès de l’ASCO samedi 1er juin 2019, a pour objectif de développer, à l’aide d’une technique originale de « machine learning », un algorithme prédictif de la mortalité à un an chez des patients âgés atteints de cancer qui prenne en compte l’ensemble des variables cliniques, biologiques, gériatriques (outil de dépistage de la fragilité G8 et paramètres de l’évaluation gériatrique) et oncologiques.
Elle a été menée chez 3409 patients inclus dans deux cohortes prospectives françaises, ELCAPA (cohorte de développement, AP-HP) et ONCODAGE (cohorte de validation, Institut Bergonié, Bordeaux). Les résultats obtenus avec la méthodologie de « machine learning » ont été comparés à ceux obtenus par la méthode de modélisation statistique classique (modèle de Cox).
L’approche par « machine learning » a permis
> d’identifier les facteurs prédictifs les plus importants, comme le score G8 (outil de dépistage gériatrique promu par l’INCa qui permet aux oncologues d'identifier les patients âgés atteints de cancer qui devraient bénéficier d'une évaluation gériatrique approfondie), le rapport CRP/albumine (afin de rechercher si un patient souffre de dénutrition), le stade, le type de cancer, l’état général (indice EGOG), la mobilité (test TGUG), l’autonomie pour les actes de la vie quotidienne (ADL) ;
> mais également de caractériser les interactions complexes entre ces facteurs.
Le modèle de survie utilisant la méthode de « machine learning » était donc plus performant pour prédire la mortalité à un an que le modèle de Cox.
Ce modèle, implémenté via une interface web interactive, simple et rapide d’utilisation, devrait prochainement être mis à disposition des cliniciens pour faciliter l’évaluation du pronostic de leurs patients âgés atteints de cancer. Par ailleurs, il fera l’objet d’évaluations complémentaires auprès de différents utilisateurs potentiels.
Source :
Using machine learning to predict mortality in older patients with cancer : Decision tree and random forest analyses from the ELCAPA and ONCODAGE prospective cohorts.
Etienne Audureau, Pierre-Louis Soubeyran, Claudia Martinez-Tapia, Carine A. Bellera, Sylvie Bastuji-Garin, Pascaline Boudou-Rouquette, Muriel Rainfray, Anne Chahwakilian, Thomas Grellety, Olivier Hanon, Simone Mathoulin-Pélissier, Elena Paillaud, Florence Canoui-Poitrine
Abstract 11516 : https://abstracts.asco.org/239/AbstView_239_263605.html