L'hypertension artérielle pulmonaire est une maladie rare et grave, pour laquelle il n’existe actuellement pas de traitement curatif. En identifiant une cible thérapeutique fondée sur la compréhension fine des formes familiales de la maladie, des chercheurs de l’hôpital Bicêtre AP-HP, de l’Université Paris-Saclay et de l’Inserm viennent de faire un pas décisif vers la mise au point d’un nouveau traitement en complément de la prise en charge de référence. Ces travaux ont été publiés dans le New England Journal of Medicine le 1er avril 2021 par Marc Humbert, professeur à l’Université Paris-Saclay et chef du service de pneumologie de l’hôpital Bicêtre AP-HP, et ses collègues de l’étude internationale PULSAR.
L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) est une maladie pulmonaire rare caractérisée par une augmentation de la pression sanguine dans les artères qui vont de la partie droite du cœur aux poumons. Au fil du temps, les petites artères pulmonaires de moins de 0,5 mm de diamètre s’épaississent et se bouchent - un processus appelé remodelage vasculaire - en raison d’une accumulation progressive des cellules de la paroi vasculaire. Comme ce remodelage fait obstacle à l'écoulement du sang dans les vaisseaux des poumons, la pression artérielle pulmonaire augmente. Cette résistance impose également un effort au cœur qui, à terme, peut cesser de fonctionner normalement. Sans traitement efficace, cela se traduit par un essoufflement progressif à l’effort puis au repos, des malaises et syncopes. L'HTAP est donc une maladie grave qui menace la vie du malade à court ou moyen terme.
Les différents traitements actuels sont essentiellement des vasodilatateurs qui permettent d’améliorer la tolérance à l'effort et la qualité de vie des patients, freinent l'évolution de la maladie et prolongent la survie. Pour autant, aucun de ces traitements ne permet actuellement de guérison, la moitié des patients décédant dans les sept ans qui suivent le diagnostic malgré l’association de deux ou trois médicaments vasodilatateurs ciblant les voies du monoxyde d’azote, de l’endothéline-1 et de la prostacycline. Ces vingt dernières années, de grandes avancées ont permis de mieux comprendre les mécanismes cellulaires et moléculaires de l’HTAP et de proposer des innovations thérapeutiques ciblant la prolifération vasculaire pulmonaire en complément des traitements vasodilatateurs.
Dans ce cadre, la découverte des mutations du gène codant pour BMPR-II comme causes principales des formes familiales d’HTAP a joué un rôle central dans le domaine. Le BMPR-II est un récepteur de type II de la superfamille du transforming growth factor-beta (TGF-b) qui peut limiter la prolifération cellulaire et donc l’accumulation des cellules vasculaires dans les parois des artères pulmonaires. Un défaut de cette voie de signalisation lève donc un frein physiologique qui entraine une rupture de l’homéostasie des vaisseaux du poumon. Récemment, il a pu être mis en lumière que les ligands du récepteur de type IIA de l’activine (ActRIIA) étaient responsables de cet emballement de la prolifération cellulaire lorsque la voie du BMPR-II était dysfonctionnelle. Des mécanismes semblables entrent aussi en jeu dans les autres formes d’HTAP non familiales.
Forts de cette compréhension fine de la maladie, les chercheurs ont alors proposé d’explorer le potentiel thérapeutique du sotatercept, biothérapie développée par le laboratoire Acceleron (Cambridge, MA, USA). Le sotatercept correspond à la fusion de la partie extracellulaire du récepteur ActRIIA et du fragment constant d’une immunoglobuline IgG1 humaine. Il fonctionne comme un piège en séquestrant les ligands d’ActRIIA et donc en empêchant l’activation excessive des voies de prolifération vasculaire libérées du frein BMPR-II. L’objectif de cette approche est donc de tenter de rétablir l’homéostasie vasculaire pulmonaire.
Dans un essai multicentrique de phase 2 d’une durée de 24 semaines, impliquant 106 adultes recevant déjà un traitement de fond de l’HTAP (avec deux ou trois vasodilatateurs chez la majorité des patients), les chercheurs ont administré par voie sous cutanée soit le sotatercept à la dose de 0,3 mg par kilogramme de poids corporel toutes les trois semaines, soit 0,7 mg par kilogramme toutes les trois semaines, soit un placebo (étude PULSAR, NCT03496207). Les résultats ont été concluants et ont montré que le sotatercept réduisait les résistances vasculaires pulmonaires mesurées objectivement par cathétérisme cardiaque. Par ailleurs, les patients traités avaient une meilleure capacité à l’effort mesurée par un test de marche de six minutes, ainsi qu’une amélioration de différents biomarqueurs de la fonction cardiaque. En outre, le traitement s’est avéré relativement sûr et bien toléré.
Les patients sont maintenant entrés dans une phase d’extension qui évalue la sécurité et l’efficacité du sotatercept au long cours. De nouvelles études de phase 3 ont débuté ou sont programmées afin d’évaluer de façon rigoureuse cette biothérapie. D’ores et déjà, ces travaux constituent une avancée prometteuse dans le traitement de cette maladie grave et un vecteur d’espoir pour les personnes qui en sont atteintes.
Ce travail d'innovation thérapeutique pour lutter contre une maladie pulmonaire rare s'inscrit dans les priorités du centre de référence de l'hypertension pulmonaire (PulmoTension), de l’unité mixte de recherche Université Paris-Saclay / Inserm UMR_S 999, des Graduate Schools et Objets Interdisciplinaires en Santé de l’Université Paris-Saclay (HeaDS, LHS et HEALTHI), de la Filière de Santé et du Réseau Européen de Référence des Maladies Respiratoires Rares (RespiFIL et ERN-LUNG).
Références
Sotatercept for the Treatment of Pulmonary Arterial Hypertension
Marc Humbert, M.D., Ph.D., Vallerie McLaughlin, M.D., J. Simon R. Gibbs, M.D., Mardi Gomberg-Maitland, M.D., Marius M. Hoeper, M.D., Ioana R. Preston, M.D., Rogerio Souza, M.D., Ph.D., Aaron Waxman, M.D., Ph.D., Pilar Escribano Subias, M.D., Ph.D., Jeremy Feldman, M.D., Gisela Meyer, M.D., David Montani, M.D., Ph.D., et al., for the PULSAR Trial Investigators*
N Engl J Med 2021; 384:1204-15.
https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2024277?query=featured_home
Targeting transforming growth factor beta receptors in pulmonary hypertension
Christophe Guignabert, Ph.D., Marc Humbert M.D., Ph.D.
Eur Respir J 2021 ; 57 : 2002341.
https://erj.ersjournals.com/content/57/2/2002341