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Prise en charge de l'endométriose chez l'adolescente

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Dr. Lise DURANTEAU pour le Groupe de travail du réseau de soin Endométriose APHP IdF

Groupe de travail Endométriose de l’adolescente:   C ADAMSBAUM, M BAZOT, N  CHABBERT BUFFET, L  DURANTEAU,  H  FERNANDEZ, J-M LEVAILLANT, I  THOMASSIN-NAGGARA, A  THOMIN.
Correspondance : Dr. L. DURANTEAU, Unité de Gynécologie Adolescente et Jeune Adulte, Hôpital Bicêtre, AP.HP Université Paris Saclay, 78 rue du Général Leclerc, 94275 Le Kremlin Bicêtre. lise.duranteau@aphp.fr

La prévalence de l’endométriose chez l’adolescente n’est pas connue en raison du délai tardif du diagnostic et de la nécessité de réaliser une laparoscopie pour confirmer le diagnostic. Les données d’interrogatoire des femmes atteintes d’endométriose rapportent néanmoins la survenue des premiers symptômes à l’adolescence (1, 2). Chez des jeunes filles qui ont bénéficié d’une cœlioscopie exploratrice dans le cadre d’une dysménorrhée sévère, des lésions d’endométriose seraient retrouvées chez 62% d’entre elles et jusqu’à 75% lorsque la dysménorrhée est résistante aux traitements (2). L’histoire naturelle de la maladie n’est pas connue et la classification internationale en quatre stades induit l’idée d’une progression de la maladie mais aucune donnée ne crédite cette hypothèse ; en particulier, l’évolution vers une aggravation ou une infertilité n’est pas systématique.

Compte-tenu de l’impact potentiel des symptômes sur la qualité de vie, toute dysménorrhée sévère chez l’adolescente doit être explorée. La démarche diagnostique vise également à éliminer les nombreux diagnostics différentiels de syndrome douloureux abdomino-pelviens de l’adolescente.

Diagnostic de présomption

Au stade de début de la maladie, les critères diagnostiques et d’imagerie sont encore mal déterminés et il n’est pas habituel de réaliser une laparoscopie à titre diagnostique. Par conséquent, chez l’adolescente le diagnostic est évoqué sur la symptomatologie clinique et l’association de facteurs de risque.

Clinique

- l’interrogatoire est fondamental et recherchera une dysménorrhée primaire particulièrement sévère, entraînant une limitation des activités physiques, un absentéisme scolaire régulier, insuffisamment soulagée par les traitements antalgiques adaptés; l’association à des troubles digestifs et/ou urinaires de type vomissements, diarrhée, pollakiurie. L’existence d’une dysurie, d’une dyschésie, plus rarement à des douleurs à la défécation ou une dyspareunie pour celles qui ont déjà eu des rapports sexuels, est fortement évocatrice d’endométriose. L’association de la dysménorrhée à des douleurs pelviennes chroniques non cycliques est très caractéristique (2).

-chez l’adolescente, il est essentiel d’évaluer le contexte socio-familial, le rapport à la scolarité et l’impact sur la qualité de vie du syndrome douloureux. Un antécédent d’abus sexuel doit être systématiquement recherché.

-l’examen physique est peu contributif du fait de la rareté des attentes profondes et des limites de l’examen gynécologique chez les patientes vierges. La palpation abdomino-pelvienne est nécessaire pour éliminer un diagnostic différentiel et une tumeur pelvienne.

Facteurs de risque

Certains facteurs de risque doivent être dépistés chez les adolescentes consultant pour des douleurs pelviennes chroniques ou une dysménorrhée sévère. En effet, l’analyse rétrospective de cohortes de patientes ayant une endométriose montre l’association forte de certains facteurs comme : l’hérédité (près de 50 % d’antécédents d’endométriose chez la mère), la sévérité de la dysménorrhée primaire, l’absentéisme scolaire durant les règles, une dysménorrhée réfractaire aux traitements par les AINS, la prise d’un traitement œstroprogestatif de type pilule à visée non contraceptive pour soulager les douleurs (3).

La ménarche précoce est un facteur de risque discuté. L’existence d’une une malformation utéro-vaginale est un facteur de risque établi. Il n’existe pas à ce jour de marqueurs biologiques pouvant être utilisé comme critères diagnostiques (1).

Diagnostic positif

Même si le tableau clinique oriente vers le diagnostic d’endométriose, la stratégie consiste également à éliminer d’autres causes possibles ou associées, notamment en présence de signes d’orientation. Les principaux diagnostics différentiels sont : les pathologies digestives (constipation chronique ou syndrome du côlon irritable, porphyrie hépatique) et urologiques. La recherche d’autres symptômes douloureux à type de douleurs musculo-squelettiques, de céphalées voire migraine, parfois associés, contribuera au diagnostic différentiel et à une prise en charge approprié. Le diagnostic positif d’endométriose sera posé par l’association de la clinique caractéristique, de signes d’imagerie lorsqu’ils existent et de la réponse au traitement hormonal (Figure 1).

Imagerie

De la même façon que chez la femme adulte, certains critères d’imagerie pourraient suffire à évoquer une endométriose ; toutefois, il n’existe pas de critères diagnostiques consensuels chez l’adolescente. D’autre part, l’impossibilité fréquente de réaliser une échographie par voie endovaginale ne permet pas d’appliquer les critères diagnostiques utilisés chez la femme adulte. L’imagerie chez l’adolescente doit éliminer une pathologie ovarienne ou peut mettre en évidence une malformation utérine. L’échographie peut faire le diagnostic d’endométriome ovarien mais cette lésion est rare chez l’adolescente. Enfin, une échographie strictement normale n’élimine pas la possibilité d’une endométriose. Il est toutefois conseillé de faire réaliser une échographie pelvienne par un praticien expérimenté à l’approche adolescente avant de conclure à une imagerie normale.

A ce jour, ni l’échographie par voie sus-pubienne ni l’IRM ne permettent de faire le diagnostic d’endométriose péritonéale ou d’évaluer l’étendue des lésions. Les données de la littérature ne recommandent pas de réaliser une IRM pelvienne chez l’adolescente. Mais l’IRM pourrait être réalisée au sein d’un centre expert, en l’absence d’anomalie à l’échographie pelvienne chez les jeunes filles vierges notamment en cas de signes digestifs et/ou urinaires et après échec d’un traitement de première intention bien conduit pendant une période d’au moins six mois. L’IRM doit être réalisée afin de rechercher des lésions d’endométriose non accessibles en échographie. En effet, l’IRM pelvienne est plus sensible (Se = 95%) que l’échographie pelvienne pour dépister des atteintes profondes. Ainsi une IRM pelvienne négative permet d’exclure des lésions d’endométriose pelvienne profonde avec une performance proche de la chirurgie (sensibilité supérieure à 90%) (4). En l’absence de lésion significative à l’imagerie, et même en cas de forte suspicion diagnostique, il n’est pas indiqué d’envisager une laparoscopie à titre diagnostique. Le traitement hormonal et la prise en charge des douleurs (traitement pharmacologique et alternatives non médicamenteuses) seront initiés sans rechercher de confirmation diagnostique par laparoscopie.

La stratégie thérapeutique chez l’adolescente

L’objectif du traitement est de soulager le syndrome douloureux. Le traitement repose sur l’utilisation d’antalgiques et d’un traitement hormonal. Il n’existe pas de données de niveau de preuve élevé relatives à l’efficacité des traitements utilisés au cours de l’endométriose chez l’adolescente. La conduite à tenir proposée repose sur les recommandations institutionnelles (5).

1 - le traitement antalgique

Le traitement antalgique repose sur les AINS. Ils sont souvent déconseillés au long cours mais compte tenu de leur efficacité liée à l’effet antagoniste des prostaglandines à l’origine des douleurs au cours de la dysménorrhée, ils représentent le traitement antalgique privilégié. Chez l’adolescente, une gestion autonome doit être favorisée en éduquant à une prise adaptée des AINS et l’association éventuelle au paracétamol. La prise précoce des AINS permet d’assurer leur efficacité et de limiter leur consommation aux doses recommandées. L’avis d’une équipe expérimentée dans la prise en charge de la douleur chez les adolescentes peut être utile. Le traitement des migraines parfois associées doit être revu par un spécialiste. En l’absence d’efficacité suffisante du traitement antalgique, le traitement hormonal est alors indiqué.
2 - le traitement hormonal

Il consiste en première intention à utiliser les contraceptifs hormonaux de type estroprogestatif (EP) ou microprogestatif. Concernant les EP et comme au cours de la contraception, les EP de 2ème génération, dosés à 20 ou 30 mg d’éthynil-estradiol, seront privilégiés. Il n’existe pas de données, ni d’argument pour prescrire un EP de 3ème génération ou associant un autre progestatif, d’autant que ceux-ci exposent à un sur-risque vasculaire comparé aux EP de 2èmegénération. La prescription de l’EP en prise continue (28jours /28 plutôt que 21jours/28) dans le but d’obtenir une aménorrhée, n’a pas montré d’efficacité supérieure sur le syndrome douloureux. Ce schéma peut être envisagé en cas d’efficacité insuffisante selon le schéma séquentiel. Un microprogestatif par voie orale (désogestrel ou drospirénone) peut être proposé en première intention, notamment en cas de contre-indication aux EP mais ce traitement peut être associé à une moins bonne tolérance gynécologique (saignements intercurrents).
3 - les alternatives non médicamenteuses

L’indication d’un accompagnement psychologique doit être discutée chez l’adolescente. Des thérapies alternatives non médicamenteuses comme l’acupuncture, l’ostéopathie, le yoga, l’hypnose ou d’autres thérapies comportementales pourraient être efficaces chez des jeunes patientes souffrant d’endométriose pour améliorer la qualité de vie en complément du traitement médicamenteux (6). Il n’existe pas de données spécifiques chez l’adolescente mais de façon générale, toute thérapeutique non médicamenteuse pouvant apporter un bénéfice individuel peut être envisagée.

En cas d’échec des traitements de 1ère intention, la stratégie de recours devra relever d’un avis spécialisé sous forme de concertation pluridisciplinaire (gynécologues médicaux, chirurgiens, spécialistes de l’imagerie, spécialistes de la prise en charge de la douleur, psychologues) en centre expert.

Le recours en centre expert

En cas d’échec des traitements de 1ère intention, une réévaluation diagnostique et thérapeutique en centre expert est souhaitable (figure 2) : le diagnostic sera réévalué et confirmé et la prise en charge thérapeutique discutée, notamment l’utilisation d’un traitement de seconde intention, non autorisé ou pour lequel il n’existe pas encore de données suffisantes ou ayant des effets indésirables potentiellement délétères chez l’adolescente.

Les possibles traitements de seconde intention sont représentés par :

-les agonistes du GnRH, associés à une estrogénothérapie substitutive chez les adolescentes âgées de plus de 16 ans (5); toutefois, l’impact sur la masse osseuse ne permet pas leur utilisation au long terme ;

- un traitement par le dienogest, un progestatif qui a obtenu, à la dose de 2mg, l’indication AMM pour le traitement de l’endométriose mais pour lequel il n’existe pas encore de données suffisantes chez l’adolescente ayant une endométriose. A noter que l’activité contraceptive du progestatif à cette dose n’est pas établie;

-il n’existe pas de données d’efficacité du DIU au levonorgestrel ou de l’implant sous-cutané à l’étonogestrel pour soulager la dysménorrhée dans le cadre d’une endométriose chez l’adolescente. Mais l’utilisation de ces modes de traitement hormonal peut s’envisager lorsqu’il est souhaité, notamment en cas de besoin contraceptif et en cas d’échec du traitement par voie orale.

Conclusion

La stratégie diagnostique d’une endométriose chez l’adolescente consiste à poser un diagnostic fort de présomption et d’éliminer les diagnostics différentiels de syndrome douloureux abdomino-pelvien. L’échographie pelvienne est l’imagerie de première intention. Si l’échographie est négative et en cas de forte suspicion diagnostique, une IRM peut être réalisée, de préférence en centre expert. Le traitement de l’endométriose est médical : il repose sur l’association d’antalgiques et d’un traitement hormonal, essentiellement représenté par les contraceptifs hormonaux. Le recours à des alternatives non médicamenteuses peut être utile. En cas d’échec de cette stratégie thérapeutique, le recours à un centre expert est recommandé.

Références

1 Chapron C, Marcellin L, Borghese B, et al. Rethinking mechanisms, diagnosis and management of endometriosis. Nat Rev Endocrinol 2019; 15: 666-682.

2 Janssen, E.B., Rijkers, A.C.M., Hoppenbrouwers, K., Meuleman, C., D’Hooghe, T.M., 2013. Prevalence of endometriosis diagnosed by laparoscopy in adolescents with dysmenorrhea or chronic pelvic pain: a systematic review. Hum. Reprod. Update 19, 570–582.

3 Chapron C, Borghese B, Streuli I, et al. Markers of adult endometriosis detectable in adolescence. 201 J Pediatr Adolesc Gynecol;24:S7-S12.

4 Bazot M, Daraï E. Diagnosis of deep endometriosis: clinical examination, ultrasonography, magnetic resonance imaging, and other techniques. Fertil Steril. 2017;108(6):886-894.      

5 Sauvan M, Chabbert-Buffet N, Geoffron S, et al. Traitement médical de l’endométriose douloureuse de l’adolescente, RPC endométriose CNGOF-HAS. Gynécologie Obstétrique Fertilité et Sénologie. 2018

Figure 1 :

figure 1

Figure 2 :

figure 2

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Assistance publique Hôpitaux de Paris