Un travail collaboratif associant les services de réanimation médico-chirurgicale et de microbiologie de l’hôpital Louis-Mourier, AP-HP, le service de pharmacologie - toxicologie, le département d’épidémiologie, biostatistiques et recherche clinique de l’hôpital Bichat – Claude-Bernard, AP-HP et l’équipe écologie évolution et traitement de la virulence et de la résistance bactériennes de l’unité IAME (UMR 1137-Université Paris Diderot-Université Paris 13), a montré une absence de réduction de la colonisation de l’oropharynx par des bactéries après la réalisation de soins de bouche à la chlorhexidine.
Cet antiseptique est couramment utilisé en France et dans le monde dans le cadre de la prévention des pneumonies nosocomiales. Ces résultats questionnent la poursuite de son utilisation dans cette indication. Cette étude a fait l’objet d’une publication dans la revue Anesthesiology le 25 septembre 2018.
Les pneumonies acquises sous ventilation mécanique sont les infections nosocomiales graves les plus fréquentes des patients en réanimation. Elles ont souvent pour point de départ une colonisation bactérienne de l’oropharynx, cette région de la gorge qui comprend les amygdales, le voile du palais, l’arrière de la langue et l’arrière de la gorge. Des antiseptiques comme la chlorhexidine sont utilisés en soins locaux afin de les prévenir.
A ce jour, son effet sur la colonisation bactérienne, la mesure de sa concentration salivaire après le bain de bouche, tout comme la sensibilité des bactéries à son contact, n’ont jamais été pleinement étudiés. L’effet préventif des soins de bouche à la chlorhexidine sur la survenue des pneumonies nosocomiales commence également à être débattu.
L’équipe de réanimation de l’hôpital Louis-Mourier AP-HP et de l’unité IAME 1137 (Université Paris Diderot – Université Paris 13), coordonnée par le Pr Jean-Damien Ricard et le Dr Béatrice La Combe, étudiante en thèse, a mesuré la colonisation bactérienne de 30 patients pris en réanimation à l’hôpital Louis-Mourier AP-HP, ventilés mécaniquement, avant et après un soin de bouche à la chlorhexidine.
Cette étude, réalisée en collaboration avec les services de microbiologie (Dr Luce Landraud) et d’épidémiologie, biostatistiques et recherche clinique (Dr Fadia Dib) de l’hôpital Louis -Mourier AP-HP, et le service de pharmacologie-toxicologie de l’hôpital Bichat – Claude-Bernard AP-HP (Dr Laurent Massias), a mené à l’analyse de 250 échantillons bactériologiques et a permis d’identifier 48 agents pathogènes, notamment 27,1% de streptocoques et 20,8% d’entérobactéries.
Les résultats ont montré que les taux de bactéries initialement présents dans l’oropharynx ne diminuaient pas après un soin de bouche à la chlorhexidine. De plus, les concentrations de cet antiseptique mesurées dans les sécrétions oropharyngées après le soin de bouche décroissaient très rapidement, atteignant des concentrations auxquelles certaines bactéries n’étaient plus sensibles.
Cette étude met donc en évidence l’inefficacité des soins de bouche à la chlorhexidine, grâce à des données clinico-microbiologiques et pharmacologiques concordantes. Sans remettre en cause la nécessité de soins de bouche, ces résultats pourraient conduire à l’arrêt de la chlorhexidine dans la prévention des pneumonies acquises sous ventilation mécanique.
Les équipes de l'AP-HP sont engagées depuis de nombreuses années dans la recherche pour la prévention des infections nosocomiales, notamment à travers son réseau d'équipes opérationnelles d'hygiène qui luttent au quotidien contre ces infections.
Source :
Béatrice La Combe, M.D., M.Sc.; Anne-Claire Mahérault, Pharm.D., M.Sc.; Jonathan Messika, M.D., Ph.D.; Typhaine Billard-Pomares, Pharm.D., Ph.D.; Catherine Branger, Pharm.D.; Luce Landraud, M.D., Ph.D.; Didier Dreyfuss, M.D.; Fadia Dib, M.D.; Laurent Massias, Pharm.D., Ph.D.; Jean-Damien Ricard, M.D., Ph.D
Anesthesiology - Newly Published on September 21, 2018. doi:10.1097/ALN.0000000000002451