Parmi tous les types de tumeurs cérébrales, les gliomes diffus sont les plus fréquents. Leurs caractéristiques rendent leur traitement difficile et les récidives sont fréquentes.
Le Dr Franck Bielle, de l’unité de pathologie neuro-oncologique et neurochirurgicale du département de neuropathologie de l’hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP, s’est intéressé aux caractéristiques des cellules de l’oligodendrogliome anaplasique, une forme particulière de gliome diffus. Ses travaux ont mis en évidence une grande hétérogénéité des cellules tumorales et identifié une sous-population de cellules qui pourrait jouer un rôle critique dans la récidive de ces tumeurs.
Les résultats publiés dans la revue Brain Pathology le 28 octobre 2016 ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques pour contourner la résistance aux traitements anti-tumoraux actuels.
Les tumeurs cérébrales présentent une grande diversité parmi laquelle les gliomes diffus sont particulièrement difficiles à traiter. Ces tumeurs se développent dans le tissu cérébral et sont souvent mal délimitées ; le neurochirurgien ne peut donc pas les enlever en totalité et un traitement médical complémentaire est le plus souvent nécessaire (chimiothérapie et/ou radiothérapie).
Les oligodendrogliomes anaplasiques appartiennent à la famille des gliomes diffus. Les cellules tumorales portent des mutations au niveau des gènes IDH et une altération chromosomique (la co-délétion des régions chromosomiques 1p/19q). En plus de ces mutations, les cellules tumorales miment la forme des oligodendrocytes (cellules jouant un rôle support auprès des fibres nerveuses du cerveau normal). Les oligodendrogliomes anaplasiques sont plus sensibles aux chimiothérapies que les autres gliomes diffus. Cependant, ils ont tendance à récidiver et à devenir résistants aux thérapies actuelles.
Des progrès ont été faits dans la classification de ces gliomes diffus grâce à l’identification des mutations (modification de l’ADN) mais le fonctionnement des cellules tumorales et leur morphologie restent cependant à éclaircir.
Le Dr Franck Bielle, de l’unité de pathologie neuro-oncologique et neurochirurgicale du département de neuropathologie de l’hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP, s’est intéressé aux caractéristiques des cellules tumorales dans le cas de l’oligodendrogliome anaplasique.
Ce travail n’aurait pas été possible sans la participation de médecins et patients de toute la France fédérés dans le réseau « tumeurs rares » POLA coordonné par le Pr Jean-Yves Delattre, du service de neurologie de l’hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP, et le Pr D. Figarella-Branger, ni sans les soutiens de l’Association pour la Recherche sur les Tumeurs Cérébrales, de la Fondation ARC pour la recherche sur le Cancer et sans la Ligue Nationale contre Cancer qui a financé les analyses moléculaires des tumeurs.
De manière assez inattendue, ces chercheurs ont observé que certaines cellules de la tumeur présentaient des caractéristiques de progéniteurs neuronaux intermédiaires, cellules à l’origine de nouveaux neurones. Les progéniteurs neuronaux sont, chez l’adulte, limités à des zones très spécifiques du cerveau spécialisées dans la production de nouveaux neurones. Or, à l’endroit où les oligodendrogliomes se forment, principalement au niveau du lobe frontal du cerveau, on ne trouve normalement pas de progéniteurs neuronaux chez l’adulte.
Ils ont également montré une grande hétérogénéité intertumorale, c’est-à-dire des différences entre deux individus dans les caractéristiques de leur tumeur, et intratumorale, c’est-à-dire au sein de la tumeur où certaines cellules ont un aspect de progéniteur neuronal et d’autres ont un phénotype plus proche des oligodendrocytes normaux.
De plus, en comparant chez des patients la première tumeur observée et la tumeur observée en cas de rechute malgré le traitement, les chercheurs ont montré une augmentation des cellules tumorales aux caractéristiques de progéniteurs neuronaux. Cela suggère que ces cellules aux caractéristiques de progéniteurs neuronaux seraient de plus en plus nombreuses lorsque la tumeur devient résistante aux traitements initiaux.
Pour la première fois, les chercheurs ont montré la présence de ces différents types de cellules au sein des tumeurs. Ces résultats posent de nombreuses questions quant aux traitements des tumeurs. Un traitement va-t-il agir sur les deux types de cellules (celles avec un aspect de progéniteur neuronal et celles avec un aspect d’oligodendrocytes) ou sur un seul type spécifiquement. La résistance aux traitements peut-elle provenir de l’inefficacité des traitements sur l’un des deux types de cellules ?
Une meilleure compréhension de cette hétérogénéité des cellules tumorales dans le cas de l’oligodendrogliome anaplasique ouvre de nouvelles voies thérapeutiques pour traiter ce type de tumeur et notamment contourner la résistance aux traitements actuels.