Les décès de nouveau-nés sont plus nombreux dans les pour les mères qui résident dans les communes les plus défavorisées au regard de l’indice de désavantage social adapté à la période périnatale élaboré par les scientifiques (image d’illustration). Crédit : Adobestock
Alors que la mortalité néonatale augmente en France, une nouvelle étude de l’Inserm, de l’Université Paris Cité, de l’Inrae, de l’Université Paris Nord, et de l’AP-HP, publiée le 16 septembre dans la revue BMJ Medicine montre qu’elle pourrait être liée aux inégalités socio-économiques. Les chercheurs ont élaboré un indice de désavantage social adapté à la période périnatale et observé que le risque de décès d’un nouveau-né est plus élevé pour les mères qui résident dans les communes défavorisées. Ces résultats soulignent l’importance de réaliser des audits de l’offre de soin en périnatalité dans chaque territoire, selon les chercheurs.
Les habitantes des communes socio-économiquement défavorisées ont plus de risques de voir leur enfant décéder dans les premiers jours suivant sa naissance. C’est le constat d’une nouvelle étude publiée par une équipe de recherche de l’Inserm, de l’Université Paris Cité, de l’Inrae, de l’Université Paris Nord, et de l’APHP, dans la revue médicale BMJ Medicine, le 16 septembre 2025.
Une étude de 2022[1] avait déjà révélé une hausse significative de la mortalité infantile (décès avant un an) en France depuis 2012. Cette étude avait identifié la mortalité néonatale (décès entre la naissance et le 28e jour du bébé) comme principale composante de l’augmentation de la mortalité infantile, mais elle ne permettait pas de savoir quels étaient les territoires et les populations les plus touchés.
Pour y voir plus clair, une équipe scientifique a mis au point un indice de désavantage social adapté à la période périnatale pour chaque commune de France hexagonale[2], résultant de l’analyse de différents facteurs associés à l’état de santé des nouveau-nés dans de précédentes études : le taux de chômage, le pourcentage de personnes immigrées dans le secteur, celle de locataires, de familles monoparentales, et le revenu médian par ménage. Les scientifiques ont ensuite croisé cet indicateur avec le taux de mortalité néonatale sur deux périodes : entre 2001 et 2008 puis entre 2015 et 2020, en utilisant le Système national de données de santé (SNDS).
Les résultats mettent en lumière d’importantes inégalités face à la mortalité néonatale. « Quelle que soit la période étudiée, les décès de nouveau-nés sont plus nombreux pour les mères qui résident dans les communes les plus défavorisées au regard de notre indice de désavantage social adapté à la période périnatale », observe Jennifer Zeitlin, épidémiologiste et directrice de recherche à l'Inserm, et dernière autrice de l’étude.
En analysant plus finement les données, les scientifiques ont constaté que sur la période 2015-2020, les 20 % d’enfants nés de mères vivant dans les communes les plus défavorisées (selon l’indice de désavantage social adapté à la période périnatale) présentent un taux de décès dans les 28 jours suivant la naissance de 3,34 pour 1 000 naissances vivantes, soit un risque environ 1,7 fois supérieur à celui des 20 % d’enfants issus des communes les plus favorisées (1,95 décès pour 1 000 naissances). Plus les mères sont issues d’un territoire défavorisé, plus le risque de décès néonatal est important. « Si toute la population avait le même risque de mortalité néonatale que les 20 % les plus favorisés, on estime qu’environ un quart des décès, soit 2 496 décès de nouveau-nés, auraient pu être évités rien que sur la période entre 2015 et 2020 », indique Victor Sartorius, le premier auteur.
La comparaison entre les périodes 2001-2008 et 2015-2020 confirme l’augmentation de la mortalité néonatale en France métropolitaine. Mais « la hausse observée se concentre uniquement dans les territoires défavorisés, alors que la mortalité est restée stable dans le reste du pays », observe Jennifer Zeitlin.
Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer l’association entre le niveau de désavantage social et la mortalité néonatale. Par exemple, des caractéristiques qui ont été liées au niveau socio-économique, comme le surpoids, le tabagisme et l’exposition à la pollution, entraînent un risque plus élevé de prématurité ou de petit poids de naissance chez le bébé, qui sont eux même des facteurs de risque de décès néonatal. Existent également les considérations éthiques et personnelles comme la décision de recourir ou non à une interruption médicale de grossesse pour certaines maladies fœtales. « Il faut aussi évoquer l’organisation de notre système de soin ; on sait que l’accès aux soins et la capacité des résidents à se saisir du système de santé est réduit dans les territoires défavorisés, ajoute Victor Sartorius. De plus, les forts taux d’occupation dans les unités qui prennent en charge les nouveau-nés en état critique couplés aux sous-effectifs pourraient aussi être une hypothèse parmi les causes à explorer. »
« Selon une récente analyse de la Haute Autorité de santé (HAS), 57 % des événements indésirables graves liés aux soins chez les nouveau-nés, tels que les décès, auraient pu être évités[1], rappelle Jennifer Zeitlin. La question est donc de savoir comment améliorer l’organisation de l’offre de soins et les conditions de prise en charge des patients, notamment dans les territoires les plus fragiles selon notre indice de désavantage social et périnatal. Cela pourrait passer par un renforcement des effectifs, une meilleure formation des soignants et des infrastructures adaptées, par exemple. »
Pour atténuer les risques, l’équipe de recherche suggère de réaliser des audits de l’offre de soin en périnatalité dans chaque territoire, à l’instar de celui dont les conclusions ont été rendues publiques en 2015 en Seine-Saint-Denis[2]. « Notre étude montre à quel point les populations défavorisées sont en première ligne face à la mortalité néonatale et souligne l’urgence de mettre en place des mesures de santé publique ciblées sur les zones à haut risque que nous avons identifiées », conclut la dernière autrice.
[2]Excepté les communes de moins de 50 ménages, pour lesquelles les données n’étaient pas disponibles.
À propos de l’AP-HP : Premier centre hospitalier universitaire (CHU) d’Europe, l’AP-HP est au premier rang de la recherche clinique en France. Ses 38 hôpitaux sont organisés en six groupes hospitalo-universitaires (AP-HP. Centre - Université Paris Cité ; AP-HP. Nord - Université Paris Cité ; AP-HP. Sorbonne Université ; AP-HP. Université Paris-Saclay ; AP-HP. Hôpitaux universitaires Henri-Mondor et AP-HP. Hôpitaux universitaires Paris Seine-Saint-Denis) conventionnés avec sept universités franciliennes. Étroitement liée aux grands organismes de recherche, l’AP-HP est forte de 25 fédérations hospitalo-universitaires (FHU), 8 instituts hospitalo-universitaires (IHU) d’envergure mondiale (ICM, ICAN, IMAGINE, FOReSIGHT, PROMETHEUS, Institut du Cerveau de l’Enfant, reConnect, Institut de la Leucémie Paris Saint-Louis), 4 sites de recherche intégrée en cancérologie (SIRIC) dont 1 pédiatrique, ainsi que du plus grand entrepôt de données de santé (EDS) en France. Acteur majeur de la recherche appliquée et de l’innovation en santé, l’AP-HP détient un portefeuille de 920 brevets actifs, ses cliniciens chercheurs signent chaque année près de 11 000 publications scientifiques, plus de 2 500 études promues par l’AP-HP sont en cours. En 2020, l’AP-HP a obtenu le label Institut Carnot, qui reconnaît la qualité de sa recherche partenariale : le Carnot@AP-HP propose aux acteurs industriels des solutions en recherche appliquée et clinique dans le domaine de la santé. En outre, la Fondation de l’AP-HP agit aux côtés des patients, des soignants et des chercheurs pour la médecine du futur, l’humain au cœur de l’hôpital et la santé de tous. aphp.fr