Mis à jour le 26/11/2025
Les métabolites du microbiote intestinal reprogramment le métabolisme énergétique des cellules immunitaires et influencent l’inflammation intestinale
Des chercheurs de Sorbonne Université, AP-HP, INRAE et Inserm révèlent comment le microbiote intestinal module l’immunité et impacte les maladies inflammatoires.
Le tube digestif abrite des milliards de microbes qui transforment nos aliments en milliers de petites molécules, appelées métabolites. Loin d’être de simples déchets, ces métabolites interagissent avec notre système immunitaire et régulent la réponse inflammatoire. Deux récents travaux menés, en partie, par des chercheuses et des chercheurs de Sorbonne Université, de l’AP-HP, d’INRAE et de l’Inserm, montrent comment certains métabolites produits par le microbiote peuvent « reprogrammer » le métabolisme énergétique des cellules immunitaires et modifier leur comportement, avec des conséquences directes sur les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI).
Des dialogues métaboliques clés pour l’immunité
Ces métabolites circulent localement dans l’intestin et dans tout l’organisme, agissant à la fois comme « signaux » et comme « carburants ». L’état énergétique des cellules immunitaires influence directement leur comportement : une cellule « bien alimentée » peut réguler l’inflammation, tandis qu’une cellule en déficit énergétique peut amplifier la réaction inflammatoire. Dans les MICI, où l’équilibre entre microbiote et immunité est perturbé, ces ajustements fins peuvent déterminer la différence entre rémission et poussée.
Deux molécules, deux mécanismes
Après un criblage approfondi, deux métabolites d’origine bactérienne ont été identifiés pour leur effet sur le métabolisme de cellules immunitaires spécifiques :
- Cadavérine : produite principalement par des Enterobactéries telles qu’Escherichia coli. À faible dose, elle permet aux macrophages de fonctionner de manière équilibrée et de limiter l’inflammation. À forte dose, elle déclenche un état d’alerte qui favorise l’inflammation. Dans des modèles animaux de colite, la dose appropriée apaise l’inflammation tandis que la dose excessive l’aggrave. Chez des patients atteints de MICI, des niveaux élevés de cadavérine sont associés à des poussées inflammatoires. La cadavérine module le métabolisme des macrophages via les voies de signalisation moléculaires Nrf2 / thioredoxine et le récepteur H4 de l’histamine.
- Indole-3-propionate (IPA) : issu de la transformation du tryptophane, acide aminé, par le microbiote. Il cible les lymphocytes T CD4+ et soutient leur fonction normale pour favoriser un profil anti-inflammatoire. Chez la souris, l’IPA protège contre l’inflammation intestinale, et des observations chez l’humain vont dans le même sens. L’IPA agit via la voie de signalisation moléculaire PPAR-β pour réguler le métabolisme énergétique des lymphocytes.
Cette découverte ouvre la voie à des stratégies thérapeutiques innovantes
Ces travaux démontrent que des métabolites spécifiques du microbiote peuvent reprogrammer le métabolisme énergétique de deux acteurs majeurs de l’immunité et en modifier le destin inflammatoire : la cadavérine agit comme un « interrupteur » sensible à la dose, tandis que l’IPA sert de « carburant » favorable aux lymphocytes T CD4+.
Perspectives ouvertes :
- développer des thérapies « immuno- métaboliques » pour moduler l’énergie des cellules immunitaires ;
- utiliser le dosage de ces métabolites pour anticiper les poussées ou guider des interventions alimentaires/probiotiques et personnaliser la prise en charge ;
- mener des essais cliniques pour définir des seuils efficaces et sûrs, tester l’IPA ou des agonistes de PPAR-β, et combiner ces signaux à d’autres métabolites pour des traitements de précision.
Pour en savoir plus : lire le communiqué de presse