Les équipes du service d'Obstétrique-Maternité et thérapeutiques fœtales (Pr Yves Ville) de Radiologie pédiatrique (Pr Nathalie Boddaert) de l’hôpital Necker – Enfants malades AP-HP et de Neuroradiologie interventionnelle du GHU Paris – Hôpital Sainte-Anne (Pr Olivier Naggara), ont traité pour la première fois par embolisation in utero une malformation anévrismale de la veine de Galien le 07 septembre 2022. L’enfant est né le 16 octobre 2022 et a bénéficié d’embolisations complémentaires permettant sa guérison définitive, l’absence de séquelles neurologiques ou cardiaques et un développement normal à l’âge de 8 mois.
La malformation anévrysmale de la veine de Galien est une malformation vasculaire congénitale située dans la partie centrale du cerveau qui consiste en une communication anormale entre des artères et la veine de Galien.
Cette malformation se forme dans la période embryonnaire et peut-être visible à l’échographie du deuxième ou du troisième trimestre.
Elle peut avoir de graves conséquences sur le développement du cerveau et peut entrainer le décès à la naissance. Passée cette période, de lourdes séquelles neurologiques et des retards du développement sont fréquents. Leur prise en charge est pluridisciplinaire, impliquant des gynécologues obstétriciens, des réanimateurs, cardiologues, neurochirurgiens, neuroradiologues et neuropédiatres.
Jusqu’ici, après la découverte anténatale de la malformation, les options proposées par les équipes soignantes sont limitées, tout particulièrement pour les fœtus à haut risque de développement de lésions cérébrales durant la grossesse et de décompensation cardiaque à la naissance. Ces options comportent la possibilité d’une interruption thérapeutique de grossesse ou, à la naissance, selon les cas, une limitation des soins en cas de lésions cérébrales irréversibles ou un traitement de neuroradiologie par embolisation.
L’équipe de Necker – Enfants malades AP-HP a estimé que l’intervention fœtale in utero pouvait être proposée à cette famille du fait, d’une part des conséquences cardiaques déjà présentes mais réversibles et d’autre part d’un aspect normal du cerveau du fœtus, analysé sur une imagerie par résonance magnétique (IRM) fœtale réalisée à la plateforme LUMIERE (Dr David Grevent, Pr Laurent Salomon) à un âge gestationnel de 31+4 semaines.
Outre le risque que des lésions cérébrales se développent in utero jusqu’au terme de la grossesse, les dimensions très larges de la malformation comportaient un risque de 90% de défaillance et/ou de décès à la naissance. Clairement informée de la possibilité d’une interruption thérapeutique de grossesse et des incertitudes autour de cette intervention, cette proposition d’intervention anténatale a été accepté par la famille.
L’intervention a été réalisée dans le bloc de chirurgie anténatale de l’hôpital Necker – Enfants malades AP-HP, conduite par une équipe mixte constituée de chirurgiens gynécologues (Pr Julien Stirneman, Pr Yves Ville) et de Neuroradiologues interventionnels (Pr Olivier Naggara, Dr Gregoire Boulouis) à un âge fœtal de 33 semaines d'âge gestationnel. Sous guidage échographique, un microcathéter a été positionné dans la veine de Galien, à travers la peau et l’utérus de la maman, puis à travers le crâne du fœtus, permettant le déploiement de 5 mètres de fil de platine (coils) jusqu’à obtenir un net ralentissement de la malformation. L’intervention, d’une durée courte (moins de 30 minutes), n’a comporté aucune complication, ni pour la mère ni pour le fœtus.
La grossesse s’est poursuivie avec une nette amélioration des fonctions cardiaques fœtales et une réduction des dimensions des veines impliquées dans la malformation mesurées en IRM. Cinq semaines plus tard, le nourrisson est né à terme par voie basse. Le poids de naissance était de 3255 g et l’IRM cérébrale à la naissance ne montrait pas de lésions cérébrales. Une embolisation, cette fois via l’artère fémorale, a été réalisée au 5ème jour de vie, du fait de l’apparition d’un retentissement cardio-respiratoire puis au 67ème jour de vie, permettant une guérison complète de la malformation.
Aujourd’hui, à l’âge de 8 mois, cet enfant a un examen neurologique et cardiaque normal et se développe conformément aux enfants de son âge.
La préparation de cette première embolisation in utéro a bénéficié de nombreux échanges avec l’équipe de Boston (Pr Daren Orbach), qui a depuis réalisé la première intervention similaire au cours du premier trimestre 2023. Cette intervention ouvre de nouvelles perspectives dans la gestion des malformations anévrysmales de la veine de Galien. L’intervention anténatale semble comporter un risque limité pour la mère comme pour le fœtus. Elle peut permettre de prévenir, chez certains fœtus à haut risque, l’apparition de graves conséquences cardiaques et cérébrales au cours du troisième trimestre et le décès à la naissance.