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Un sommeil ouvert sur le monde : nous sommes capables de répondre aux sollicitations extérieures tout en dormant

Publié le Communiqués de presse

Le sommeil n’est pas un état qui nous isole parfaitement de notre environnement : nous sommes capables, tout en dormant, d’entendre et comprendre des mots. Ces observations, issues de la collaboration étroite entre des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, du CNRS, de Sorbonne Université et de l’AP-HP à l’Institut du Cerveau et le Service des pathologies du sommeil de l’Hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP à Paris, remettent en question la définition même du sommeil et des critères cliniques qui permettent de distinguer entre ses différents stades. Elles sont détaillées dans une nouvelle étude parue dans la revue Nature Neuroscience.

Le sommeil est généralement défini comme une période durant laquelle le corps et l’esprit sont en repos, comme déconnectés du monde. Pourtant, une nouvelle étude encadrée par Delphine Oudiette, chercheuse à l’Inserm, Isabelle Arnulf (Sorbonne Université, AP-HP) et Lionel Naccache (Sorbonne Université, AP-HP) au sein de l’Institut du Cerveau, indique que la frontière entre veille et sommeil est bien plus poreuse qu’il n’y parait.

Les scientifiques ont montré que des dormeurs sans troubles particuliers sont capables de capter des informations verbales transmises par une voix humaine, et d’y répondre par des contractions des muscles du visage. Or, cette capacité étonnante se manifeste de manière intermittente durant presque tous les stades du sommeil — comme si des fenêtres de connexion avec le monde extérieur s’ouvraient temporairement à cette occasion.

Ces nouvelles données sur le comportement des dormeurs suggèrent qu’il serait possible, à terme, de mettre au point des protocoles de communication standardisés avec les personnes endormies afin de mieux comprendre comment l’activité mentale change pendant le sommeil.

À l’horizon : une nouvelle voie d’accès aux processus cognitifs sur lesquels reposent le sommeil normal et pathologique.

Mille et une variations de conscience
« Même s’il nous parait familier car nous nous y abandonnons toutes les nuits, le sommeil est un phénomène très complexe. Nos recherches nous ont appris que la veille et le sommeil ne sont pas des états stables : ils s’apparentent l’un et l’autre à une mosaïque de moments conscients… et de moments qui ne semblent pas l’être », explique le Pr Lionel Naccache, neurologue à l’hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP et chercheur en neurosciences.

Il est essentiel de mieux connaître les mécanismes cérébraux qui sous-tendent ces états intermédiaires entre veille et sommeil. « Déréglés, ils peuvent être associés à des troubles comme le somnambulisme, la paralysie du sommeil, les hallucinations, à la sensation de ne pas dormir de la nuit, ou au contraire d’être endormi les yeux ouverts », précise le Pr Isabelle Arnulf, cheffe du service des pathologies du sommeil de l’Hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP.

Or, pour distinguer la veille et les différents stades de sommeil, on utilise jusqu’ici des indicateurs physiologiques simples et peu précis, comme des ondes cérébrales spécifiques rendues visibles grâce à l’électroencéphalographie. Ces indicateurs ne permettent pas de saisir en détail ce qui se passe dans la tête des dormeurs, d’autant qu’ils sont parfois en contradiction avec leur témoignage. « Nous avons besoin de mesures physiologiques plus fines qui soient alignées avec le ressenti du dormeur et sa capacité à répondre au monde extérieur ; ceci afin de mieux définir son niveau de vigilance », renchérit Delphine Oudiette, chercheuse l’Inserm en neurosciences cognitives.

Un jeu entre inconscience et lucidité
 L’équipe de recherche[1] a donc creusé cette piste et a recruté 22 personnes sans troubles du sommeil et 27 patients narcoleptiques — c’est-à-dire victimes d’épisodes d’endormissement irrépressibles.

Les individus narcoleptiques ont la particularité de faire beaucoup de rêves lucides, c’est-à-dire de rêves dans lesquels ils sont conscients d’être endormis et dont ils peuvent parfois façonner le scénario. De plus, ils atteignent facilement et rapidement le sommeil paradoxal (le stade où surgit le rêve lucide) en journée, ce qui en fait de bons candidats pour étudier la conscience pendant le sommeil en conditions expérimentales.

« L’une de nos précédentes études avait montré qu’une communication à double-sens, de l’expérimentateur vers le rêveur et vice-versa, est possible au cours du sommeil paradoxal lucide, précise Delphine Oudiette. À présent, nous souhaitions savoir si ces résultats pouvaient être généralisés à d’autres stades de sommeil et chez les individus qui ne font pas de rêves lucides. »

Les participants à l’étude ont été invités à faire une sieste. Les chercheurs leur ont fait passer un test dit de « décision lexicale » au cours duquel une voix humaine énonçait une série de vrais mots et de mots inventés. Les participants devaient y réagir en souriant ou en fronçant les sourcils, pour les classer dans l’une ou l’autre de ces catégories. Durant toute la durée de l’expérience, les participants étaient suivis par polysomnographie — un examen complet d’enregistrement de leur activité cérébrale et cardiaque, des mouvements des yeux et du tonus musculaire. Enfin, au réveil, les participants devaient rapporter s’ils avaient, ou non, fait un rêve lucide durant leur sieste, et s’ils se souvenaient d’avoir interagi avec quelqu’un.

« La plupart des participants, qu’ils soient narcoleptiques ou non, ont réussi à répondre correctement aux stimuli verbaux tout en restant endormis. Ces événements étaient certes plus fréquents lors des épisodes de rêve lucide, caractérisés par un haut niveau de conscience ; mais nous les avons observés ponctuellement dans les deux groupes, au cours de toutes les phases du sommeil », précise le Pr Isabelle Arnulf.

En croisant ces données physiologiques, comportementales et les rapports subjectifs des participants, les chercheurs et chercheuses montrent également qu’il est possible de prédire l’ouverture de ces fenêtres de connexion avec l’environnement, c’est-à-dire les moments où les dormeurs étaient capables de répondre aux stimuli. Celles-ci étaient annoncées par une accélération de l’activité cérébrale, et par des indicateurs physiologiques habituellement associés à une activité cognitive riche.

« Chez les personnes qui ont fait un rêve lucide durant leur sieste, la capacité à dialoguer avec l’expérimentateur et à raconter cette expérience au réveil était également caractérisée par une signature électrophysiologique spécifique, ajoute le Pr Lionel Naccache. Nos données suggèrent que les rêveurs lucides ont un accès privilégié à leur monde intérieur, et que cette conscience accrue s’étend aussi au monde extérieur. »

D’autres recherches seront nécessaires pour déterminer si la multiplication de ces fenêtres est corrélée à la qualité du sommeil, et si elles pourraient être exploitées pour améliorer certains troubles du sommeil ou favoriser les apprentissages. « Des techniques de neuroimagerie plus avancées, comme la magnétoencéphalographie et l’enregistrement intracrânien de l’activité cérébrale, nous aideront à mieux comprendre les mécanismes cérébraux qui orchestrent les comportements des dormeurs », conclut Delphine Oudiette.

Enfin, ces nouvelles données pourraient contribuer à réviser la définition du sommeil, un état finalement très actif, peut-être plus conscient que nous ne l’imaginions, et ouvert au monde et aux autres.

 

Cette étude a été financée par l’Agence nationale de la recherche et la Société française de recherche et médecine du sommeil.

 

[1] Dont les doctorants Başak Türker, Esteban Munoz Musat et Emma Chabani dont l’implication a été primordiale pour la réalisation de ce travail.

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